Chapitre V :

Nécessité d’un esprit créatif

À l’occasion du soixantième anniversaire de la fondation du Congrès national, son président, l’avocat NGUYEN HUU THO, a exposé son opinion en signalant que le comité du peuple de tous niveaux n’est pas seulement faible mais qu’il ressemble au style d’un gouvernement fantoche, ou plus juste, à celui d’une forme démocratique ni plus ni moins : « ce qui nous a déchiré le cœur pendant les années passées, c’est que nous maintenons toujours la “forme de nom et non de fait”. Notre défaut le plus grand est le manque de vraie démocratie. Plusieurs aspirations adéquates du peuple n’ont pas été encore réalisées et le peuple ne choisit pas véritablement ses responsables selon sa confiance »[1]. Il a particulièrement affirmé que la « démocratie » n’est pas un cadeau tel que le peuple ait à tendre la main pour la quémander du gouvernement mais c’est un droit légal et qu’on doit lutter pour la posséder.

De même, à une réunion des anciens élèves de Taberd (une école des Frères), pendant que les participants proposaient ce qu’il fallait faire pour « aider les Frères » et pour organiser une journée de « gratitude » envers leurs anciens maîtres, ils souhaitaient en même temps ne pas « attirer l’attention » de la part des autorités.  M. Ngo Cong Duc a émis cette parole qui n’est pas guère appréciée par les autres : « Maintenant, refusons de nous courber devant les autorités, mais obligeons-les à nous suivre ! ». Sachant que M. Ngo Cong Duc est un ancien membre du Congrès de l’ancien régime mais appartenant à l’opposition, il est encore aujourd’hui apprécié de ce gouvernement. Apparemment, il a l’air sincère, amical, et même « opposé » à l’idéal, au comportement et à la manière d’agir des communistes. Il m’a montré certains de ses articles contre quelques côtés négatifs des autorités. Mais qu’en est-il vraiment, j’en suis tout à fait ignorant.

L’affirmation de M. Nguyen Huu Tho et la parole de M. Ngo Cong Duc devraient nous faire sursauter sur notre habitude d’attente parfois avec résignation, ce qui est très répandu dans ce pays : attente du visa d’entrée aux États-Unis pendant 12 ans ; attente de la réalisation de la planification d’un quartier pendant 18 ans sans pouvoir construire quoi que ce soit ; attente de l’ordre du Supérieur pour se déplacer ailleurs, ce qui a fait noyer 5 Frères en 1989 ; attente qu’on rendra l’école pour reprendre son métier d’enseignant depuis 30 ans avec « confiance » ; attendre... et attendre encore... en méditant cette maxime « tout vient à point à qui sait attendre ! » Ce n’est donc plus l’heure d’attendre un « moment propice » pour agir mais c’est le moment où tous doivent « retrousser leurs manches » pour chercher, créer, oser et assumer par eux-mêmes la responsabilité de leur survie.

Ensemble et par association, retroussons nos manches.

1- D’abord, une connaissance de la mentalité des vietnamiens

L'éducation vietnamienne repose sur la première expérience faite par l'enfant dans sa propre famille. C'est en elle qu'il apprend à connaître les autres. C'est elle qui orientera plus tard le style de ses rapports sociaux. L'expérience des autres, acquise dans son milieu familial, guidera le Vietnamien dans ses contacts humains :

L'homme vit de sa face, l'arbre de son écorce,
La richesse n'est que du fumier, la face vaut mille livres
Si tu rencontres un vieillard, appelle-le
« grand-père »
Un moins vieux, « oncle » et quelqu'un de ton âge « frère aîné »
Si tu cèdes un pas à autrui, toi-même, tu seras au large.

On conçoit bien alors que la communication entre personnes prend un tout autre sens pour un Vietnamien que pour un Européen. Pour un Européen, communiquer, c'est transmettre un message à un destinataire. L'accent est mis sur le message. Pour un Vietnamien, il s'agit avant tout de réussir une relation humaine, de faire coexister deux partenaires qui sont rarement sur un pied d'égalité. Le Vietnamien est attentif aux sentiments qui sont sous-jacents aux paroles échangées:

Les paroles ne coûtent rien
Arrange-toi pour qu'elles soient en accord
avec le cœur de ton partenaire.

La logique rigide est une sorte de violence. La violence détruit les rapports humains. On ne peut imposer ses idées à l'autre. Il faut donc suggérer plus qu'affirmer. C'est une marque de respect que l'on doit à son interlocuteur. Même dans le domaine de l'amour, cette vieille chanson populaire montre que l'amant ne dévoile sa pensée qu'indirectement:

Ô barque, après avoir quitté le port,
Penses-tu encore à lui ?
Quant au port, il s'obstine
 À ne jamais t'oublier !

Ainsi, le souci éducatif vietnamien consiste à créer cette relation affective avec les autres, autrefois vécue dans sa famille, à jeter un pont en direction de l'autre. Ce qui le heurte le plus, c'est l'indifférence.

Une très bonne qualité chez le vietnamien est en général son caractère laborieux de se donner la peine de travailler, mais il s’efforce peu de se rénover. Laborieux et adroit de ses mains, il lui manque cependant l’exacte évaluation lui permettant de perfectionner son travail. Il s’adapte assez facilement à la nouvelle situation mais il est lent à la transformation et à la créativité. Aussi devant les grands, il s’humilie bassement et se montre stupéfait de la moindre chose. Il est plutôt sentimental que rationnel. Il cède facilement au lieu de lutter pour la meilleure part, suivant l’enseignement des prédécesseurs : « Si tu te supportais une fois, tu serais bénéfique dix fois ». Étant plus lié par des sentiments profonds que par la législation, il traite habituellement les problèmes d’après les coutumes plus que d’après la loi, « les lois du royaume sont inférieures aux coutumes du village », répètent souvent les gens devant une difficulté. Ce sont des défauts qui parfois ralentissent le progrès souhaité.

Le peuple vietnamien, en particulier des jeunes, est foncièrement un peuple qui aime les études. Sans compter des écoles et universités, les centres pour les langues sont aussi abondants. Autrefois, étudier était un chemin pour devenir mandarin et grâce à cela « toute la famille en profitait ». Aujourd’hui, 89/168 personnes enquêtées sont motivées pour avoir une bonne place dans l’avenir[2]. Aimer les études est une très bonne qualité, c’est une occasion pour s’élever dans la vie. Mais l’ambition de posséder des diplômes à n’importe quel prix sème chez les jeunes un esprit visant à n’apprécier hautement que des personnes diplômées. C’est ainsi que certains jeunes s’obstinent à ne pas poursuivre une formation professionnelle conforme à leurs capacités. Ils ont oublié un proverbe qui dit : « Il n’est si petit métier qui ne nourrisse son homme ». Mais un grand défaut du Vietnamien est le manque de découverte, d’un effort de créativité pour chercher son propre chemin, pour sortir de l’impasse.

M. Nguyen Hoa[3], théoricien et critique littéraire, a exposé ses opinions à un forum sur le sujet « Qui sommes-nous ? Le vietnamien laborieux mais avec peu de pensée systématique », résume à peu près les principales caractéristiques d’un vietnamien :

« En tant qu’homme, tout le monde aime à bien parler de lui-même et de sa communauté de vie. Mais lorsque le temps a changé et que les relations sociales de l’homme sont plus élargies qu’auparavant, l’image d’un homme qui “parle bien” doit faire face à beaucoup de vérité et parfois à des vérités brutales [...].

« L’image culturelle du Vietnam est formée d’abord par le confucianisme, puis par le bouddhisme et ensuite par la culture européenne et américaine. S’il faut discuter sur ce domaine, j’affirme que le grand défaut de notre peuple est la paresse et l’esprit routinier dans l’acception des idées nouvelles, accompagnés de l’habitude de la jalousie et de l’ambition des honneurs. C’est à cause de cette paresse que nous avons tendance à nous satisfaire facilement et banalisons les connaissances et c’est à cause de l’esprit routinier que nous sommes souvent réticents du renouveau et que nous avons l’habitude d’utiliser notre critère pour “mesurer” les autres. La jalousie à la manière d’un “propriétaire à la campagne” semble profondément imprégnée dans notre esprit. En nous regardant, je ne perçois pas beaucoup de gens parmi nous qui soient “capables et courageux” de reconnaître notre faiblesse ».

À son tour, M. Nguyen Dinh Khoi, vice-président de la Compagnie générale de la télécommunication Viettel, exprime ses opinions :

« Les vietnamiens possèdent de très bonnes qualités : bons travailleurs et, en particulier, très intelligents. À côté de ces bonnes qualités, les mauvaises ne sont pas moins nombreuses. Par exemple, pensée systématique faible, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent regarder que ce qui est devant leur nez, sans pouvoir regarder un peu plus loin, des projets à long terme, ou la totalité.

Aujourd’hui, nous ne pouvons pas encore sortir de la société d’agriculture, c’est pourquoi, les qualités des paysans qui pouvaient être merveilleuses dans l’ancien temps, deviennent moins adéquates en ce moment. Citons entre autres : esprit routinier, manque d’esprit créatif, n’étant pas à la page, élastique dans les activités journalières..., planification faible, travail à moitié achevé, responsabilité faible ne pensant qu’à son profit le plus élevé en utilisant des produits excitants mais nuisibles de la part des agriculteurs par exemple, sans jamais penser aux méfaits causés à ceux qui les consomment [....]. ».

En relatant une partie de ces défauts inhérents au Vietnamien, c’est pour dire tout simplement que malgré une longue formation à la vie lasallienne, la mentalité des Frères reste plus ou moins influencée par le social.

2- Facteurs qui influencent sur l’éducation

a- 150e membre de WTO [4]

Le 5 novembre, les délégués du Vietnam, présidés par le Ministre du Ministère des Affaires Étrangères M. Pham Gia Khiêm, sont partis de Ha Noi pour Genève (Suisse) pour participer à la fête d’admission à la WTO. Y étaient présents le Ministre du Ministère du Commerce M. Truong Dinh Tuyen, M. le chef de groupe des pourparlers du gouvernement au sujet de l’économie, le Vice-ministre du commerce Luong Van Tu et les membres du groupe des pourparlers...

Dans la réunion de l’Assemblée des 149 membres de WTO, organisée le 7 novembre 2006, le Président de l’Assemblée Eirik Glenne a exposé 4 dossiers des Actes d’engagement du Vietnam demandant à devenir membre de la WTO, qui se composent des comptes-rendus de la commission du travail, d’une copie sur l’engagement du Vietnam dans le domaine de la douane des marchandises, de l’aide agricole ainsi que de l’itinéraire d’exportation ; une copie d’engagement dans le domaine des services et le projet du protocole d’adhésion à WTO du Vietnam. Après l’approbation des dossiers et l’accord de tous les membres, à 11 h 17 heures de Genève, soit 17 h 17 heures de Hanoi, le Vietnam est devenu officiellement le 150e membre de l’Organisation Mondiale du Commerce lorsque le président de séance frappa trois coups de marteau, ce qui est un événement mémorable de l’histoire du peuple vietnamien terminant ainsi 11 années de démarche. Cet événement est à la fois une occasion et un défi. A cette occasion le Directeur Général de WTO, M. Pascal Lamy, a carrément affirmé : « Aujourd’hui, l’économie du Vietnam est devenu importante sans pouvoir être séparée de l’Organisation Mondiale du Commerce. Avec une population de 80 millions d’habitants, du même rang que celle de l’Allemagne, le Vietnam afirme encore une fois de plus que son appartenance à la WTO est pertinente ». Mais, conscient du défi des jours à venir après cet événement, M. Vu Khoan, ex-premier ministre, a exposé son opinion devant les journalistes : « l’unique moyen pour savoir nager, c’est de se lancer dans la mer ».

L’appartenance à la WTO sera une occasion pour les individus comme pour les différentes entreprises de s’élever. Mais ce sera aussi un problème pour d’autres qui font faillite par la faible administration ou la technologie déjà ancienne. Ces défis prennent leur source dans la différence entre les capacités et les exigences de l’intégration. D’abord la concurrence sera plus cruelle, avec beaucoup plus de partenaires sur un domaine plus vaste et plus profond, entre les produits du pays et ceux des autres pays producteurs, entre les entreprises du pays et celles de l’extérieur, pas seulement sur le marché mondial mais dans le pays même à cause de la baisse de la taxe d’importation de 17,4% à 13,4% pendant les 3 à 5 premières années [5]. Ensuite, la « répartition » des profits par la mondialisation n’est pas égale. Les pays dont l’économie est basse, en bénéficient moins, évidemment. Dans le pays même, cette « distribution » n’est pas égale non plus. Le risque de faillite des entreprises entraînerait l’augmentation des chômeurs. Le fossé entre riches et pauvres s’est creusé de plus en plus profond. Par cette intégration dans le WTO dans cette mondialisation, la dépendance entre les pays augmente ; les bouleversements du marché économique influencent aussi celui du Vietnam ; l’environnement, la belle culture traditionnelle seraient secoués...

Ainsi l’intégration à l’Organisation Mondiale du Commerce est à la fois une bonne occasion et un défi à affronter. Tirer le meilleur parti de l’occasion créera une position stable et une force qui repoussera tous les défis. Si, par contre, ces défis deviennent écrasants, cette occasion sera perdue. Ils se transformeront en difficultés permanentes presque impossibles à surmonter.

La Chine s’est intégrée à la WTO depuis presque 5 ans (11/12/2001). Comment a-t-on évalué ces 5 ans passés, et les années à venir ? M. Wang Jong a répondu : « Après ces 5 années passées, la Chine a positivement changé de plusieurs manières. Les concepts du marché économique, du libre commerce et de l’investissement sont profondément imprégnés dans l’esprit du peuple. Ce qui le plus important, c’est que la population chinoise a largement accepté les concepts fondamentaux de la WTO tels que : déclaration de façon ouverte, responsabilité de l’explication de la part des autorités, politique nationale de bien traiter les gens. Par exemple, les compagnies privées dans le pays, grâce au soutien des journalistes et des savants mettant la pression sur les décideurs, sont traitées aujourd’hui sur le même pied d’égalité que celle du gouvernement ou de l’étranger. En l’an 2004, les constitutions de la Chine étaient modifiées, concernant les concepts du propriétaire et du droit de l’homme. Le peuple a participé davantage à la planification de la politique qu’auparavant, à un certain degré, grâce aux journaux qui publient souvent les commentaires de la politique du gouvernement, permettant ainsi aux citoyens d’en discuter. De plus, les offices du gouvernement publient aujourd’hui les projets des lois ou des prescriptions au peuple en leur demandant des remarques et organisent aussi des rassemblements pour publier des rapports explicatifs au peuple et invitent les autres compagnies à y participer. Tous ces progrès qui se sont déroulés pendant les 5 premières années après l’intégration de la Chine à la WTO, semblent soutenir l’explication selon laquelle l’ouverture économique aide à renforcer le caractère “ouvert” ».

Remarquons que l’évaluation après 5 ans de l’intégration à la WTO ne repose pas sur l’économie mais sur la rénovation des prescriptions déjà existantes ainsi que sur le concept personnel. Est-ce la clé des résultats dans le domaine économique ? S’il n’y avait pas ces transformations de perception, la Chine réunirait-elle les conditions requises pour une production de jour en jour plus prospère ? La réponse est claire. Il a suffi de 5 ans pour que la Chine dépasse l’Angleterre « en occupant le 4e rang dans le domaine de l’économie mondiale, le 3e rang dans l’exportation après les États-Unis et l’Allemagne. De 2001-2005, le commerce a augmenté annuellement en moyenne de 29% ; le chiffre général s’élève jusqu’à 1 400 milliards USD en 2005. L’encaisse a atteint presque 1 milliard de dollars américains. En ce moment, la valeur d’obligation achetée du trésor des États-Unis s’élève à 257 milliards de dollars américains à la fin de 2005 »[6].

WTO est vraiment un « grand jeu ». Il y a toujours des prix à payer. Quelles sont donc les réactions des personnages devant ce grand événement ?

-          M. Nguyen Duy Hung, président du conseil d’administration de la Compagnie des valeurs de Saigon : Tout soucieux, je me demande pourquoi l’on pense toujours que l’intégration à la WTO favorise les autres pays à se lancer dans le nôtre sans penser à nous qui avançons vers l’extérieur ?

-          M. Truong Gia Binh, Directeur Général de la Compagnie FPT : Les entreprises du Vietnam doivent faire face à une concurrence décisive concernant la source de la force humaine. L’intégration à la WTO signifie aussi la certification des droits d’auteur. Auparavant, plusieurs grandes entreprises ont refusé d’investir dans le pays où les droits d’auteur ne sont pas respectés, dont le Vietnam.

-          M. Vu Viet Ngoan, Directeur général de Vietcombank : L’intégration à WTO exige que toutes les entreprises, y compris la Vietcombank, fonctionnent selon les critères internationaux et non selon ceux du Vietnam. C’est ici un grand heurt pour les banques commerciales du Vietnam parmi lesquelles la Vietcombank doit impulser rapidement la vitesse de rénovation.

-          Tran Phuong Binh, directeur général de la banque TMCP de l’Ouest d’Asie : Nous savons que les banques de l’étranger prêtent une attention spéciale au marché de vente au détail parce que, avec une population de 80 millions d’habitants, il n’y a que 5 millions qui possèdent un compte à la banque. Selon moi, dans 5 ans, les banques du Vietnam obtiendront la ressource suffisante pour une concurrence à part égale avec celles de l’étranger.

M. Vo Ta Han, maîtrise en administration commerciale à l’Université du Massachusetts en 1973 aux Etats-Unis, vivant actuellement à Singapour, membre du comité d’administration de l’Université SIM, en même temps conseiller de la banque suisse UBS AG à Singapour, a confié au journal THANH NIEN (Jeunesse) en cet événement mémorable :

- Quels sont le « bon fruit » que nous cueillons et les prix que nous payons pour l’intégration à la WTO ?

* D’après les documents sur les expériences des pays qui viennent d’« entrer en jeu », tout de suite après l’intégration, il semble que, chez tous, la première étape a rencontré beaucoup de difficultés. Dans les premières années, tout le monde sent le prix à payer trop élevé. Dans les premières années, l’État ainsi que l’organisation commerciale du pays semblent ne pas être encore prêts et qu’ils restent toujours en phase de préparation, ce que les spécialistes taxent de manque d’informations. Avec les engagements envers la WTO, les chemins pour entrer dans le marché doivent subir beaucoup de changements dans les deux domaines, certains seront refermés tandis que de nombreux nouveaux chemins seront ouverts...

- D’après vous que devons-nous faire pour éviter l’ornière qui s’est creusée dans d’autres pays ?

En dehors des cadres, des branches compétentes concernant la WTO, il est nécessaire d’organiser des sessions pour une large divulgation des informations et une collaboration plus cohérente entre les membres influencés, dans le pays, par la WTO. Nous devons aussi étudier sérieusement les expériences concrètes des pays et territoires qui nous précèdent tels que le Népal (devenu membre de WTO au mois d’avril 2004), le Cambodge (au mois d’octobre 2004), la Chine (décembre 2004)... Dans les jours prochains, le monde portera plus d’attention au Vietnam et évaluera le niveau de confiance à notre égard par la réalisation de nos engagements. En s’insérant dans la WTO, la masse de la production des marchandises et du service des fournisseurs rencontrera d’abord beaucoup d’ « orage » parce qu’il faut faire face à de grandes vagues répétées lorsque les gigantesques concurrents des pays étrangers mettront leurs pieds au Vietnam. Malgré la forte influence de ces branches, le gouvernement devra viser la masse agricole car c’est le domaine qui touche la plupart de notre peuple. Le chemin à venir rencontrera évidemment beaucoup de défis, mais dès à présent, il n’y a aucune raison qui nous pousse à ne pas fêter ce nouveau succès.

Écoutons encore M. Phạm Duc Binh à Dong Nai, surnommé « roi de l’élevage des porcs au Vietnam » : « Il faut fabriquer de grands bateaux et prendre le large ». En 1988, héritier de son père avec un cheptel de 800 porcs pour débuter, Pham Duc Binh l’a élevé à 20 000 dans une ferme de 12 hectares. Aujourd’hui, il n’élève que les femelles pour la production. Ce cheptel atteint le nombre de 1 500.

- Etant éleveur, quelle est votre réflexion sur cet événement de l’intégration du Vietnam à la WTO ?

- J’en suis ravi comme tout le peuple vietnamien. C’est une chance ou une fortune, je n’ose pas le discuter. Laissons ce travail d’évaluation aux spécialistes. Etant éleveur, j’ai beaucoup réfléchi et me sens très anxieux pour l’avenir des éleveurs dont je suis. Au cours de ces trois dernières années, l’épidémie des poulets et des porcs n’a pas été encore maîtrisée. La conséquence ? Les consommateurs doivent les acheter avec un prix élevé, bien des fois l’importation de poulets est exigée, tandis que des éleveurs des porcs risquent la faillite en masse parce que le prix de vente est toujours au- dessous de 20% à 30% du prix de revient. Il suffit de 3 ou 4 déficits semblables et les éleveurs perdront au jeu. Ils rigolent en disant : « Les porcs ne mangent plus aujourd’hui du son, mais... de la terre » parce que plusieurs parmi eux ont vendu leur terre pour s’acquitter de leur dette en investissant dans l’élevage du porc.

Un autre événement surviendra, c’est qu’après l’intégration à la WTO, les poulets seront massivement importés de Thaïlande avec un prix très bas, de 0,8 à 1 dollar américain tandis que la Chine occupant plus de 60% de l’élevage de porcs du monde, sera un très grand menace pour le nord du Vietnam dans ce domaine. Et nous prévoyons que si notre métier d’élevage « mourrait », plusieurs autres domaines de l’agriculture vivraient difficilement.

- Ayant ainsi réfléchis, vous et d’autres éleveurs ne souhaitez pas l’ouverture du marché ?

- Pourquoi pas ? Le problème, c’est comment nous la saisirons et saurons tirer ou non le meilleur parti de cette occasion. Ainsi que je l’ai exprimé, plusieurs éleveurs risqueront la faillite mais ce seront de petits élevages privés. C’est vraiment douloureux mais il faut savoir l’accepter pour procéder à une restructuration dans le sens d’une concentration en élargissant l’élevage d’une manière réellement industrielle.

Actuellement, l’élevage petit et privé occupe un pourcentage de 90% au sud et 97% au nord du Vietnam. La plus grande limitation de ce type d’élevage est de suivre le mouvement ou d’imiter les voisins sans un examen préalable des besoins du marché. Quand le prix baisse, la plupart d’entre eux attendent la hausse du prix, mais ils ne pensent pas que, plus on les garde, plus les frais de nourriture augmentent. [...]

- Qu’est-ce que l’on peut faire, selon vous, pour que l’élevage au Vietnam se développe de manière vraiment stable et durable ?

L’élevage doit assurer ces 5 éléments fondamentaux : l’aire de l’élevage, la technique, la nourriture, le système de l’abattage et le marché de la consommation. [...]

Selon M. Pham Duc Minh, l’estimation de l’ensemble du cheptel de porcs dans tout le Vietnam s’élève à 27 millions. Mais selon les spécialistes, il n’y a que 30% de ces porcs qui descendent d’une bonne race. Les 70% restant (20 millions) sont des porcs de race locale, de mauvaise qualité. Un porcelet de bonne race coûte de 4 à 5 dollars américains, équivalent à 10 autres de mauvaise race. Ainsi, 20 millions de porcs de mauvaise race ne valent que 2 millions de bonne race. Le total d’un cheptel de 27 millions est équivalent à celui de 9 millions de bonne race qui demande le même temps et occasionne les même frais de nourriture que ceux de l’élevage d’un cheptel de 27 millions. La faiblesse du rendement est une évidence.

b- Mondialisation

 « La mondialisation n’est pas phénomène récent. D’après certains analystes, l’économie était aussi mondialisée il y a 100 ans »[7]. Mais le terme « mondialisation » est « couramment utilisé depuis les années 80, c’est-à-dire depuis que le progrès technique permet des réalisations plus faciles et plus rapides ». Étant un pays en développement avec une économie de bas niveau, le Vietnam est en train de faire face au contexte de relations mondiales qui dépassent celui de nos frontières. En réalité, le phénomène de mondialisation n’a vraiment éclaté au Vietnam que pendant ces deux dernières décennies, depuis le « renouveau de 1986 », mais son influence s’est répandue rapidement ainsi que son opposition de concept : certains se réjouissent d’un « processus bénéfique », d’autres sont « hostiles à ce processus, voire le redoutent, estimant qu’il accroît les inégalités au sein des pays et entre eux, qu’il menace l’emploi et le niveau de vie et entrave le progrès social »[8]. La mondialisation est considérée comme un phénomène « ouvert » agissant dans un long chemin avec un déroulement complexe et plein de surprises. Bon gré mal gré, cette mondialisation de l’économie est une tendance générale à laquelle le Vietnam, faisant partie du courant de ces changements, ne peut résister à cause du développement de la force de la production et de l’économie de marché, poussé par le progrès rapide de la science et de la technologie.

La mondialisation pourrait être comparée à un match, une partie de jeu : ceux qui sont intelligents gagnent plus qu’ils ne perdent tandis que ceux qui le sont moins, perdent plus qu’ils ne gagnent. Et il semble que personne ne gagne tout ou ne perde tout. La seule situation où l’on perdra tout , c’est lorsqu’on se replie sur soi-même, quand on ferme la porte, que l’on repousse la mondialisation, que l’on refuse l’intégration : c’est que l’on se tue, qu’on sera isolé et marginalisé. Il est évident que la mondialisation est une grande chance mais aussi un grand défi s’y cache. La refuser veut dire aussi s’enfuir devant les difficultés ou se rendre avant d’aller au front. Ce sera donc le grand échec.

Il est clair que, quoi qu’il en soit, le processus de la mondialisation se répercutera sur le développement du Vietnam, s’il désire « se faire des amis » avec le monde. N’oublions pas la situation du Vietnam en 2000, où il y avait « 92,7% des travailleurs dans l’agriculture qui n’avaient pas encore suivi une formation professionnelle et qui étaient en chômage environ 5 à 6 mois par an [9]». (Il n’y a que deux saisons au Vietnam : saison de pluie et saison sèche. Normalement, la saison sèche, aride et chaude, n’est pas compatible avec l’agriculture. Certaines régions dans le delta du Mékong sont inondées du mois de juin au mois de novembre. Les gens doivent chercher un travail autre que l’agriculture). Le PIB[10] par habitant du Vietnam en l’an 2000 n’était égal qu’« à 1/5 de celui de la Thaïlande » et selon aussi les « statistiques Canada », le Vietnam occupe le « 125e rang sur 163 pays » [11]. Aussi, selon les statistiques de la « World Bank », le PIB par habitant en Indonésie augmente et il est doublé tous les deux ans. Pour la Corée, il suffit de 28 mois pour doubler le PIB par habitant tandis que celui du Vietnam, pendant une période de 13 ans (1986-1999) n’a augmenté que de 1,55%, c’est-à-dire, qu’il lui faudrait 20 ans pour atteindre le double du PIB par habitant.

Ces quelques chiffres manifestent le grand défi à affronter et que le peuple vietnamien doit planifier une stratégie pour le surmonter. S’il ne peut s’élever, il sera immergé dans le courant de la mondialisation ou rejeté hors du développement mondial. Parce que, de ce fait, les échanges et les marchés financiers sont de plus en plus intégrés, une réalité incontournable conduit à des conditions de concurrence qui exigent des règlements économiques que, bon gré mal gré, les pays en développement, dont le Vietnam, doivent observer. Parmi ces règlements existent les critères de qualité de la production. D’une part, le Vietnam ainsi que les pays en développement doivent atteindre un certain niveau pour pouvoir prendre la parole et s’intégrer dans le marché commun ; d’autre part, le Vietnam doit connaître à fond les statuts internationaux pour pouvoir élaborer des lois conformes aux normes mondiales, domaine dans lequel le Vietnam semble très faible, afin d’attirer l’investissement des étrangers.

Comme dans la plupart des pays en développement, le Viêt-Nam a fait avancer pendant cette dernière décennie, l’industrialisation et la modernisation. Mais il faut comprendre que le développement ne consiste pas seulement en la construction rapide de gratte-ciels et d’infrastructures telles que : routes de communication, aéroports, postes...., qui sont sans doute nécessaires pour l’industrialisation et la modernisation. Car, pour construire des routes, des ports, des ponts modernes de très bonne qualité et à un juste prix raisonnable, il faut d’abord la « modernisation de l’homme et des institutions politiques». Évidemment, c’est un travail à long terme. Il n’est pas possible, du jour au lendemain, de changer les habitudes, les concepts et les comportements d’une société surtout ceux d’un pays où le pourcentage du travail de l’agriculture occupe une place aussi élevée par rapport aux travailleurs de tout le pays : 73%. Ainsi, la psychologie des paysans, des concepts mesquins, locaux, incohérents demeurent prégnants à plusieurs niveaux dans la vie de la campagne et aussi de la ville. Renouveler radicalement les manières de vie de toute une société depuis longtemps endormie dans une économie agraire dépassée, exige une politique audacieuse et des solutions à la fois courageuses et créatives qui s’annoncent depuis quelques années, spécialement dans le domaine de l’informatique appliquée et de la télécommunication. Mais ce qui attire le plus notre attention, c’est la reconnaissance de la « révolution de l’informatique appliquée » déjà avancée dans la voie du développement. Cependant, ce n’est pas seulement celle de la technologie, de la mécanique, des logiciels ou de la vitesse... mais en premier lieu, cela devrait être une « révolution des concepts »[12].  Pour s’intégrer donc dans le marché économique de la mondialisation, le Viêt-Nam doit actualiser les connaissances scientifiques d’une part, et les nouveaux concepts, les nouvelles initiatives conformes d’autre part, de l’administration de la production, de l’organisation des activités de la société, des relations sans distinction avec les différentes religions dans le pays et des partenaires étrangers. Ce qui compte, c’est l’ensemble des politiques adaptées qui doivent intégrer les éléments présentés par les services suivants du FMI (Fonds Monétaire International) :

« - des mesures visant la stabilité macroéconomique de façon à créer des conditions propices à l’investissement et l’épargne ;

« - des mesures axées sur l’extérieur afin de promouvoir l’efficience par une augmentation des échanges et de l’investissement ;

« - des réformes structurelles visant à encourager la concurrence sur le territoire national ;

« - des institutions fortes et un gouvernement efficace afin d’assurer une bonne gestion des affaires publiques ;

« - des mesures dans les domaines de l’éducation, de la formation et de la recherche et du développement afin de stimuler la productivité ;

« - une gestion de la dette extérieure permettant de mobiliser les ressources suffisantes pour un développement durable »[13].

En fait, la mondialisation et l’intégration à l’Organisation Mondiale du Commerce (WTO) ne sont qu’un phénomène à deux faces. Participer à la mondialisation et réaliser l’intégration à l’Organisation Mondiale du Commerce sont deux manières différentes d’exprimer une entreprise, un processus d’unification, ce qui implique un chemin difficile comme l’ancien Premier Ministre PHAM VAN DONG du Vietnam l’a rappelé à maintes reprises : « Nous sommes en train d’aller sur un chemin sans la carte ». Cependant cette pensée de Lô Tân, un philosophe chinois, vaut aussi la peine d’être reprise et méditée : « Par nature, la terre n’avait pas de chemin, mais avec le temps, le va-et-vient de l’homme le forme ». C’est pourquoi le peuple vietnamien exige de faire valoir son intelligence, sa personnalité et sa conscience professionnelle dans cette nouvelle période de l’histoire sans pouvoir se passer de la révolution des concepts.

« Accepter le défi pour recevoir de grandes occasions », c’est le grand message de Genève. Après l’appartenance à l’ASEAN puis à l’APEC et à l’ASEM, et aujourd’hui à la WTO, le Vietnam se montre décidé à l’intégration de tout le peuple vietnamien. Les défis acceptés et recommandés à Genève, le Vietnam devra les percevoir pour pouvoir y faire face.

À la question de « la mondialisation : faut-il s’en réjouir ou la redouter ? », les services du FMI ont réalisé une étude assez approfondie en répondant à ces questions concrètes : - Qu’est-ce que la mondialisation ? ; Croissance sans précédent et aggravation des inégalités : les tendances du revenu au XXe siècle ; pays en développement : niveau d’intégration ; la mondialisation accroît-elle la pauvreté et les inégalités ? ; Comment les pauvres peuvent-ils combler plus rapidement leur retard ? ; La mondialisation pénalise-t-elle les travailleurs des pays pauvres avancés ? ; Les crises périodiques sont-elles une conséquence inévitable de la mondialisation ? ; Rôle des institutions et des organisations. Pourtant, la conclusion reste un peu pessimiste : « À mesure que la mondialisation a progressé, le niveau de vie (surtout lorsqu’il est mesuré par des indicateurs globaux) s’est sensiblement amélioré dans presque tous les pays. Cependant, les meilleurs résultats ont été obtenus par les pays avancés et seulement par quelques pays en développement ». Evidemment, bon gré mal gré, le Vietnam s’est déjà mêlé au rythme de mondialisation avec ses bons et mauvais côtés. Mais comme un certain évêque  a comparé la mondialisation semblable à un vent frais qui nous apporte de bonnes choses, il nous faut donc ouvrir largement  toutes les portes pour en jouir pleinement en acceptant la présence de quelques moustiques qu’il nous amène.

c- Restructuration de PARC

PARC vient de l’abréviation de « PACIFIC ASIE REGIONAL CONFERENCE[14] ». Depuis une trentaine d’années, les Frères existant dans les pays asiatiques et ceux de l’Australie, voudraient se rapprocher pour s’entraider, en  créant une Conférence appelé « PARC » qui se composent de l’Australie, des Indes, du Pakistan, des Philippines, du Sri Lanka, du Myanmar, de Singapour, de laThaïlande, du Japon, d’Hong-Kong, de la Malaisie et du Vietnam. Une fois par an, les Frères Provinciaux et Présidents des Délégations et Sous-Districts se réunissent pour la survie et l’animation de PARC. Cette année la PARC 30 a eu lieu aux Indes du 23 à 26 janvier 2007.

Depuis PARC 29, en 2005, les participants ont abordés le sujet de restructuration de PARC. Le but visé est d’accéder à former un ou deux districts dans la région d’Asie-Pacifique pour soutenir des pays en difficulté financière et pour, si possible, partager le personnel. PARC 30 de 2007 a trouvé 2 modèles à proposer au Conseil Général à Rome.

d- Avantages et défis de cette restructuration

i- avantages

1.             C’est une voie effective pour faire accroître la vitalité et la viabilité de tous les Secteurs, en particulier dans le domaine de la Mission.

2.             Procurer aux Frères, une voie effective pour combiner ces éléments constitutifs.

3.             Voir plus clairement les besoins des Secteurs dans le District, en particulier leurs exigences de ressources (financement et personnel).

4.             Procurer une plus grande flexibilité pour répondre aux besoins de la Mission de tout le District.

5.             Avoir une capacité plus grande pour accéder à la perfection demandée pour la formation de tous les Frères et des partenaires laïcs.

6.             Promouvoir l’interdépendance et la distribution raisonnable des ressources.

7.             Procurer une meilleure utilisation des capacités de direction.

8.             Éviter l’isolement de certains Secteurs.

9.             Procurer une voie effective pour les Secteurs faibles en ressources afin d’atteindre l’autosuffisance.

10.         Simplifier les structures et le nombre des personnes exigées par l’administration.

11.         Promouvoir la responsabilité envers le District et l’Institut.

12.         Optimiser les voies permettant de prendre les décisions.

ii- défis

13.         Les nouvelles structures ne sont pas une fin en soi, mais une étape dans le processus de la restructuration.

14.         Les petits Secteurs pourraient être dominés par les grands.

15.         Les membres du Conseil de l’Alliance et les Conseillers du District exigent une profonde assurance de co-responsabilité et de subsidiarité.

16.         L’insécurité de certains Frères en relation avec ce changement.

17.         Apprendre comment communiquer par une langue commune appropriée

18.         Combiner le Conseil de l’Alliance et les conseils du District comme la nouvelle existence dans l’Institut.

19.        Trouver le financement pour subventionner toutes les exigences des nouvelles structures.

iii- Principes fondamentaux du nouveau District

Les principes fondamentaux du nouveau District seraient Co-responsabilité, Subsidiarité, Interdépendance et Solidarité. Le processus authentique de la responsabilité assure que ces principes sont décrétés en entier.

20.        Les clauses de la Règle s’appliquent à toutes les décisions du Frère Visiteur et du Conseil du District.

21.        Des délégations spécifiques sont remises à des Secteurs ou des Responsables (ou Conseils)  du Secteur.

22.        Le Conseil du Secteur communique les objectifs locaux et les besoins

23.        Le Conseil du District fait attention aux besoins de tous les Secteurs

24.         Le District assure que chaque Secteur prend soin de l’âge et de la santé de chaque Frère

25.        Les Frères restent dans leurs Secteurs actuels et sont désignés d’assignation selon leur propre Responsable du Secteur

26.        Tout déplacement des Frères vers les Secteurs est réalisé après consultation des Frères personnellement et du Responsable du Secteur

27.        Le District met au même niveau la formation initiale

En examinant les avantages et défis et les principes fondamentaux de la restructuration, les Districts existants, Sous-districts et Délégations ont deux options :

a) première option : qui se compose de deux étapes : Alliance d’abord considérée comme une transition vers un nouveau District. Les secteurs de ce choix comprennent : Hong Kong, Malaisie, Singapour, Philippines, Myanmar et Indonésie.

b) deuxième option : qui se compose de ces pays : Australie, (Nouvelle Zélande, Papouasie, Nouvelle Guinée), Inde, Japon, Pakistan, Thaïlande.

Il reste encore deux pays qui n’ont pas encore le choix : Sri Lanka et Vietnam. Ils assurent donner leur choix dans le délai le plus court.

Auparavant, les Frères du Vietnam ont donné leurs opinions peu favorables à cette restructuration, ayant donné la raison de « ne rien voir de bon » ou encore « nous risquons de perdre notre identité comme district »  à cette nouvelle structure. Personnellement, je suis conscient aussi des difficultés à survenir. Mais ce sera une chance pour la promotion de nos jeunes Frères dans la vie professionnelle, pédagogique, administrative et spirituelle. D’ailleurs, bon gré mal gré, nous ne pouvons pas nous tenir en marge devant cette vague de mondialisation.

3- Impact sur l’éducation

En abordant le grand phénomène de la mondialisation et l’événement de l’intégration à WTO, je ne cherche pas à définir ce qu’est la mondialisation ou à faire une étude sur ce problème très complexe. Mais l’influence globale de ce fait historique, spécialement sur l’éducation, m’oblige à faire une courte étude sur les avantages et les défis en vue d’une réinsertion sociale appropriée dans l’avenir. Par ailleurs, la rencontre du Premier Ministre M. NGUYEN TAN DUNG avec le Pape est la source d’espoir des catholiques pour une liberté plus authentique de la religion.

En réalité, pour s’intégrer économiquement dans la mondialisation, le Vietnam doit posséder une grande force de travailleurs administrativement qualifiés pour diriger la haute technologie et d’autres organisations relatives à l’économie pour lui permettre de se tenir au même niveau que celui des autres pays dans le monde. Cette exigence devient la première priorité de l’éducation dans les écoles. Mais, l’éducation de la connaissance considérée comme le centre qui aide les jeunes à trouver leur place dans la société, n’est pas suffisante, car le développement du pays ne se limite pas à celui de la technique et de l’économie ou au changement des structures. Il faut également accompagner les jeunes dans le processus de la personnalisation grâce à la formation des qualités humaines. En effet, l’éducation nécessite d’apprendre la jeune génération à affronter les défis d’un monde de consommation et d’individualisme ainsi que nous l’avons analysé dans la deuxième partie à propos de la dégradation et de la banalisation des qualités humaines chez les jeunes et les enseignants. Sans cela, la génération pourrie de l’avenir sera sans remède.

a- Responsabilité des adultes

Dans la deuxième partie, nous avons fait une étude sur la situation de la jeunesse et de l’éducation vietnamienne actuelle. Ceux qui se soucient de l’avenir de cette jeunesse d’aujourd’hui, se sentent anxieux en voyant tous les jours leurs manifestations négatives dans la vie. Je me permets de les résumer en quelques points principaux :

i- jeunesse sans orientation adéquate

Les jeunes d’aujourd’hui possèdent beaucoup de moyens nécessaires pour s’élever dans la vie. Mais peu de jeunes visent un but plus élevé que la consommation et le travail. Depuis la réunification du pays, les jeunes vietnamiens sont formés dans les écoles socialistes en choisissant l’idéal communiste comme une raison d’existence et la logique du matérialisme et de l’athéisme comme des critères de la pensée, exactement comme leurs prédécesseurs pendant le temps de protection et de reconstruction du pays.

Mais cet idéal est loin d’être convaincant pour les jeunes d’aujourd’hui et ils en sont sceptiques pour plusieurs raisons. Leurs parents ne leur donnent pas d’exemple. Un grand nombre d’entre eux qui étaient considérés comme des héros, en acceptant facilement la misère, les sacrifices au profit de leurs descendants, deviennent aujourd’hui des personnes des plus riches par des moyens peu honnêtes en vivant une vie luxueuse par vol des deniers publics jusqu’à des millions de dollars... [15].

Par ailleurs, l’éducation familiale ou scolaire ne répond pas à l’aspiration des jeunes qui ont besoin de l’amour, des conseils, de la confiance, de l’accompagnement pour bien s’orienter. L’extrait suivant de ces lettres à un Frère est un témoignage frappant de cette soif :

« Étant une des élèves les plus brillantes de ma classe de l’école Le Qui Don[16], j’ai reçu pourtant trois fois de suite la note 6 pour les trois principales matières : Mathématiques, Physiques et Littérature, ce qui m’a rendu bien malheureuse. Je ne comprends pas pourquoi j’ai reçu ainsi ces mauvaises notes ! Bien que je fasse sérieusement et minutieusement la révision et que je comprenne parfaitement la leçon. Hier, j’ai annoncé cette nouvelle de mauvaise note à maman, elle m’a grondé longuement en disant : « Efforce-toi d’étudier sérieusement. Heureusement que tu as eu une bonne note au premier semestre, sinon, je ne te permettrais plus d’aller à l’école et tu resterais à la maison pour faire la cuisine et le ménage. Tes deux frères ne sont pas bons en études, mais je les laisse continuer quand même pour échapper au service militaire tandis que toi, tu es une fille, tu n’y es pas appelée. Ton père et moi, nous ne voulons pas du tout perdre de l’argent pour l’échange d’une mention assez bien. Je suis complètement désolée ».

« Depuis mon enfance, ma mère n’a jamais fait attention à mon état intérieur mais ne s’occupe que de la vie matérielle. Elle n’a jamais su que j’ai dû chercher toute seule pendant des heures pour un comportement pertinent et adéquat. Elle n’est pas consciente non plus que j’ai perdu toute une année pour lire tous les livres de la série « les cœurs sublimes » et c’est moi qui me débrouille pour les acheter au lieu d’être informée de ces recommandations par ma mère. Je ne comprends pas ce qu’elle désire. Tout le monde m’a dit : « Le moment le plus heureux pour mes parents sera le jour où ils me verront trouver  une bonne place dans la société ». Mais il me semble que ma mère ne pense pas ainsi. Elle ne vise que les 4 qualités traditionnelles d’une fille vietnamienne : habileté, grâce, politesse, bonne conduite, à travers mes paroles, comportements et relations. Elle ne me demande jamais : « Pourquoi tu es triste ? Dis-moi ce qui se passe ! Peut-être pourrais-je t’aider ? ». Au fond, j’aime beaucoup ma mère. Chaque fois qu’elle est tombée malade, je m’assois à côté de son lit pour la soigner ; quand elle rencontre des difficultés, je m’efforce toujours de l’aider. Elle me félicite souvent devant les autres. C’est à cause de ces deux points contradictoires que je ne comprends pas ma mère et que je me demande si vraiment elle m’aime. Depuis mon enfance, il me manque l’amour de ma mère (je le pense ainsi) ; et maintenant, je suis complètement épuisée. J’en ai assez de l’endurance, de mon apparence factice pendant ces dernières années. Que dois-je faire pour retrouver ma personnalité ?

(Réponse d’une de ses amies)

« Mon amie,

Après avoir lu ta lettre, je pense, à mon tour, à ma propre vie.

Peut-être, je ne suis pas née dans une bonne situation comme vous autres. La plupart d’entre vous ont des parents tandis que moi, je n’ai jamais eu l’occasion d’appeler quelqu’un “Papa”. Pendant une quinzaine d’années passées, ma mère a joué à la fois le rôle de père et de mère qui m’a nourrie et éduquée. Elle ne m’oblige pas à obtenir une mention très bien. Mais parfois, elle me parle de mes études en donnant l’exemple de mes fameux camarades. Je me rappelle qu’une fois elle m’a grondé : “Heureusement, tu n’a qu’à manger et étudier et encore, tu ne veux pas bien travailler. Si tu ne veux plus étudier, dis-moi un mot et je te laisse à la maison pour engager ton travail”. En entendant ces mots, je vois en ma mère quelque chose d’effroyable et de méchant. Mais je ne le lui reproche pas parce que je sais que c’est à cause de la face qu’elle a fait jaillir ces paroles. Par ses paroles, je m’efforce au maximum de m’élever dans les études. Cependant, je n’atteins que la moyenne parce que mon plafond est là.

Comme ta mère, la mienne me force toujours de vivre selon ses principes : habileté, grâce, politesse, bonne conduite comme toi et de plus la bonne cuisine... Souvent, je me sens suffocante, découragée de cette présente vie. Souvent, j’ai besoin de ses consolations, mais je n’ose pas l’aborder. Tu sais, des fois, j’ai pitié de moi-même. Je voudrais avoir un père, voir mes parents heureux comme les autres familles. J’ai demandé plusieurs fois à ma mère : “Où est mon père ? Qui est mon père ?...” Peux-tu deviner la réponse de ma mère ? Elle m’a répondu : “Ton père ? Tu n’as pas de père ! Considère ! Considère ton père comme décédé !” Mais pourquoi cette injustice avec moi dans cette vie ?

Mon amie, j’ai tout dans la vie, excepté l’amour du père et de la mère. Elle ne sait que chercher de l’argent pour me combler des besoins matériels et des choses selon mes exigences... Mais en réalité, elle ne sait pas ce dont j’ai besoin réellement. Elle ne sait jamais que j’ai besoin d’un peu de son attention, de ses petits soins maternels, ce qui suffit pour réchauffer le cœur des filles de mon genre. Elle ne pense jamais que je l’aime tant et je ne changerai jamais.

 « Je ne peux pas faire autrement car ce sont eux qui nous donnent la vie et nous nourrissent jusqu’à ce jour. Le devoir d’enfant nous oblige à les écouter et à accomplir ce qu’ils désirent, bien qu’ils ne nous comprennent pas beaucoup. Il y en a beaucoup d’autres qui sont dans la même situation que toi et moi. Tout le monde aspire à l’attention de ses parents et à leurs soins, et ils connaissent ce que nous désirons et de ce que nous pensons. Mais je pense que dans quelque temps, quand nous deviendrons adultes, nous comprendrons peut-être nos parents qui, de leur côté, auront été conscients de notre besoin d’amour et d’accompagnement de leur part.

Chère amie, chacun de nous a un “sort” différent. Je voudrais te dire seulement aujourd’hui ceci : sois naturelle et spontanée comme si nous étions enfants. Vivons notre vie authentique sans fausseté. Peut-être ta mère te comprendra un jour. Comme moi, la vie ne me sourit pas du tout, mais je m’efforce de vivre comme si rien ne m’est arrivé... J’ai fait beaucoup d’efforts pour m’élever dans la vie. Je te souhaite de ne jamais te décourager ».Ton amie

ii- programme d’enseignement continuellement changé

Le programme d’enseignement est continuellement changé. Malheureusement, seulement 30% des personnes qui élaborent le programme, appartiennent à la catégorie des enseignants, entraînant ainsi des lacunes irrationnelles dans le programme, ce qui oblige les enseignants à révéler les sujets d’examen pour courir après le « résultat obligatoire »...[17] Le système éducatif depuis ces dernières années est soumis à de « graves complaintes sans qu’elles puissent être surmontées en peu de temps » [18].

iii- influence de la mondialisation

À travers l’Internet, le multimédia et aussi par des jeunes des pays étrangers et ceux d’origine vietnamienne, des jeunes riches du pays, apprennent une vie de consommation et de libertinage, sans pouvoir ou sans savoir quel juste idéal prendre. Ce manque d’idéal se révèle surtout chez des jeunes qui ne se soucient même pas de l’avenir ou de la construction de l’avenir. Ils ne vivent que pour le présent, sans se soucier de ce qui pourrait nuire à eux-mêmes, à leur famille ou à la société. Ils passent des nuits entières dans les points de karaoké, en faisant libre usage de l’ecstasy... Ce qui est décrit dans la deuxième partie et qui est le témoignage vivant de ce phénomène.

iv- Douleurs aiguës : problème de la morale banalisée, qualités humaines en défaut dans la société.

Pendant une trentaine d’années, les jeunes apprennent à vivre l’idéal socialiste dans les écoles. Mais le jour où cet idéal est perdu et n’est plus convaincant, il est normal que la vie morale, les qualités humaines ne trouvent plus de place. Par manque de ces qualités fondamentales de l’homme, un grand nombre des jeunes banalisent les lois, les transgressent aisément, ne prennent plus au sérieux les bonnes traditions, regardent en cachette des films malsains... D’après le rapport de la Commission Nationale de Prévention contre le SIDA, publié le 5 novembre 2002, les toxicomanes découverts atteignent déjà le nombre de 112 343 individus, dont 70% ont moins de 30 ans, et ce nombre s’accroît d’année en année. Ce chiffre donné par la Commission Nationale manifeste seulement le nombre des toxicomanes envoyés dans les camps de rééducation, volontairement ou de force, cependant que le nombre réel de ceux qui vivent cachés dans la société est beaucoup élevé. Celui des personnes infectées par le virus HIV est assez élevé : 147 000 cas en 2002. La plupart d’entre elles sont encore très jeunes. Selon l’estimation du Ministère Médicale du Vietnam, en 2005, il y a 197 000 cas infectés. Certaines de ces jeunes filles travaillant au Cambodge (27 000 personnes) ont un âge variant de 14 à 18 ans[19].

Par ailleurs, le nombre des jeunes filles accidentellement enceintes devient de plus en plus élevé. Chaque année, il y a environ 1 million de cas d’avortement dont 3 000 sont d’âge mineur et dont 10% sont infectées par le virus HIV. De plus, les gens qui commettent des infractions sont aussi de plus en plus jeunes et de plus en plus nombreux. Comment peut-on rester indifférent devant ce signe de décadence de toute une jeunesse sans participer à la reconstruction de la société ? On peut voir dans l’annexe la photo d’un cimetière des milliers d’enfants officiellement avortés à Nhatrang. Malgré tout, ils sont déjà formés. Pour respecter ces petits, s’entendant avec une infirmière dans l’hôpital, des volontaires sont venus quelques fois par semaine pour les récupérer et les enterrer sur cette colline.   (photo, p.459).

D’autre part, le philosophe chinois Koueng Tsu (4e av. J.C.) a défini ainsi l’homme : « l’homme est celui qui a le cœur humain » mais en chinois, ce mot signifie aussi « l’amour du prochain ». Autrement dit, celui qui n’a pas le cœur humain n’est pas digne d’être appelé homme. Il est clair que, selon les analyses de la première partie sur la jeunesse d’aujourd’hui, la société vietnamienne voit se perdre peu à peu ce qui est le plus précieux et le plus important pour devenir un homme, la morale (ou l’amour du prochain). Ayant perdu la morale, l’homme devient malgré soi égoïste, méchant et commet toutes sortes de crimes comme voler, tricher, tuer, vendre des « matières blanches »..., et à côté de là, détourner, piller les deniers publics du gouvernement et du peuple... Si les adultes vivent ainsi, que pensent les jeunes ? Ils ne peuvent vivre autrement.

Le phénomène des jeunes sans orientation et sans idéal semble contagieux et largement répandu. Ils ne visent pas autre chose que la consommation et la recherche du snobisme, voire la dépravation : dépendance de l’héroïne, de l’ecstasy, folles courses en moto sans freins, relations sexuelles déréglées, avortements faciles et à l’âge mineur, occupent ainsi le premier rang... C’est cette décadence de la morale globale qui cause une douleur poignante à toutes les personnes qui se soucient de l’avenir du pays. En abordant ce sujet de la banalisation des qualités humaines et de la tradition du peuple vietnamien, il parait que certaines personnes se plaignent ironiquement : « Vous êtes trop vieux ». En effet, mes professeurs français ont souvent répété : « Si les jeunes savaient, si les vieux pouvaient ». Le monde appartient à tout le monde. La société se compose des adultes et des jeunes. Dans cette perspective, le Père Timothy Radcliffe, ancien Supérieur des Dominicains a écrit d’une manière très simple mais très profonde : « Si dans une communauté n’existait que des supérieurs qui décident tout, la charité ne pourrait y régner ; s’il n’existait que des savants qui la gouvernent, elle se transformerait en une académie ridicule ; s’il n’existait que des vieux qui la gouvernent, elle n’aurait pas d’avenir ; s’il n’existait que des responsables jeunes, elle perdrait racine ». L’important est donc que chacun ait sa place, son travail et apporte sa contribution au fonctionnement commun.

4- Où en est le Frère dans cette situation de mondialisation ?

Devant cette situation négative de la jeunesse, en tant que Frère-éducateur, nous devons nous poser cette question : « Que pouvons-nous faire ? Quel est le but que nous devons viser ? ». Des chemins sont ouverts devant nos yeux : plus de mille orphelins, de 300 000 à 400 000 victimes de l’agent orange, des dépendants de l’alcool et de l’héroïne, des jeunes prostituées, des enfants de la rue, des personnes infectées par le virus HIV/SIDA, rejetées par leur famille, plus de 4 millions d’immigrants dont plus de 50% sont des analphabètes, des jeunes qui abandonnent l’école en cours de route. Nous n’avons pas compté ici une grande quantité des jeunes qui abandonnent leur village pour venir en ville espérant y trouver un travail. De là toutes sortes de fléaux sociaux surgissent.

Parents et adultes, nous sommes appelés assumer la responsabilité de cette jeunesse, avenir du pays et aussi de l’Église. Nous devons faire tout notre possible pour les aider à sortir de l’ombre de la vie : leur présenter un idéal de vie et les encourager à vivre pleinement en homme. Nous pouvons collaborer avec les volontaires, les autres enseignants, les écrivains, même avec les artistes pour aider les jeunes à construire aussi leur vie à l’aide de la culture, de l’art...

Plus les solutions politiques et économiques s’avèrent difficiles, plus les responsables doivent exiger leur mise en place, sans rester à attendre « le moment propice », sinon il sera trop tard pour en guérir.

Mais avant de répondre à la question de ce que les Frères peuvent faire aujourd’hui, jetons un coup d’oeil sur leur situation actuelle :

a- leur nombre en 2007

i- District du Vietnam

- Communautés :                                         22

- présence dans 8 diocèses au sud du Vietnam

ii- Personnel

- Nombre total :                                             96 (y compris les novices)

- Vœux perpétuels :                                     71

- Vœux annuels :                                         21

- Novices :                                                       4

- Postulants :                                                   9

iii- Selon l’âge

Le nombre des Frères en 2007 s’élève à 92. Il n’y a rien de comparable avec la recrudescence des autres Congrégations au Vietnam. Cependant, c’est quand même un encouragement pour un Institut laïc, situé dans un pays socialiste où la mentalité des gens estime la vie cléricale supérieure à la vie religieuse laïque. Bien que la moyenne d’âge reste encore assez élevée (53,9 ans), 16,3% des Frères ont 40 à 49 ans d’âge et 25% de 30 à 39 ans, promettant ainsi un avenir relativement optimiste.

Age

...29

30-39

40-49

50-59

60-69

70-79

80-89

90-...

Total

Nombre

8

23

15

10

12

8

13

3

92

pourcentage

8,7
%

25
%

16,3
%

10,9
%

13,0
%

8,7
%

14,1
%

3,3
%

100
%

Nombre de Frères

Âge

Moyenne d’âge : 53,9


 

iv- ressources intellectuelles et culturelles

Devant l’avènement de la mondialisation, d’une manière ou d’une autre, les Frères doivent chercher un sentier pour s’insérer dans le monde de l’éducation, soit en ouvrant une école d’enseignement général ou tout autre service de l’éducation. Un regard rapide sur la situation actuelle du personnel du District aidera les responsables à orienter les jeunes dans le domaine de la formation intellectuelle et pédagogique[20]. 74 des Frères qui figurent sur cette liste sont nés après 1942. Ceux qui ont 65 ans, et qui sont encore en bonne santé pour pouvoir travailler ou assumer quelques responsabilités pendant les 5 ans à venir, sont au nombre de 8. C’est la catégorie 1. Les Frères en activité appartenant à la catégorie 2, nés entre 1949 et 1978 occupent la place la plus élevée : 44 Frères.  La 3e catégorie se compose des Frères en formation au

scolasticat et qui partiront à la mission dans 3 ou 4 ans : 10 Frères. Les novices, et postulants poursuivant encore leur formation pendant une longue période, plus 5 ans de probation, sont classés en 4e catégorie. Ils sont 12. Le niveau d’études des Frères est assez faible : 30 Frères sur 74 ont fini leurs études universitaires et il n’y en a que 17 qui ont obtenu un diplôme en pédagogie. Des notes envoyées au Chapitre du District manifestent cette lacune de formation : « inactif dans le travail, sans esprit créatif,... sans comprendre clairement le sens éducatif du soin des pensionnaires et de la jeunesse, sans recherche à approfondir la psychologie des jeunes ; le rotin est le moyen principal de la correction ». Ce partage anxieux d’un jeune Frère est considéré comme un appel pressant aux formateurs de l’Institut : « je ne suis pas pédagogiquement préparé pour l’enseignement. Je veux aller travailler dans les entreprises » !

b- Identité lasallienne encore confuse

Deux générations distinctes existent chez les Frères : l’ancienne génération se composant des Frères avant 1975 et la « jeune génération », celle des nouveaux Frères après 1975 ou plus exactement après la longue interruption 1975-1992. L’éducation par l’école est profondément intégrée dans l’esprit de ceux de l’ancienne génération, ce qui les fait difficilement changer totalement de concept dans le sens d’une éducation hors de l’école. La « jeune génération », par contre, ne connaît pas le passé des Frères, a entendu parler vaguement de leur mission mais ne la comprend pas beaucoup. C’est ainsi qu’une note écrite a été envoyée au Chapitre du District : « Plusieurs Frères, après tant d’années de vie dans les différentes maisons de formation, ne comprennent pas clairement ce qu’est la Mission du Frère ! C’est pourquoi, ils mènent une vie fastidieuse, sans prêter attention aux présentes activités très humbles des communautés, ayant des illusions sur la recherche de ce qui est distingué, connu des gens ». De même, la plupart des communautés s’adonnent à la préoccupation des pensionnaires. C’est un environnement favorable à la fois à l’éducation et aux finances dans des situations où l’on ne peut faire autrement. Malgré ces avantages visibles apportés par le soin des pensionnaires, certains jeunes Frères manifestent leur répugnance et leur crainte d’être envoyés dans les communautés ayant des pensionnaires. Ils ne comprennent pas ainsi le vrai sens de leur travail en s’occupant des internes, des jeunes, ce qui entraîne « la nonchalance, le travail pour la forme, sans aucun esprit créatif, aucune initiative... », expression manifestée dans une autre note envoyée au Chapitre du District en 2007.

c- Mission partagée ou Association pour le service éducatif des pauvres.

Cette réalité existe depuis l’origine de l’Institut des Frères des Écoles Chrétiennes prenant racine au moment où « Jean- Baptiste de La Salle et douze de ses compagnons s’associaient pour consacrer leur vie à l’éducation chrétienne des enfants pauvres »[21]. Mais ce thème n’est abordé d’une manière significative que depuis les 40 dernières années qui ont suivi le 39e Chapitre Général (1966) et porte par ailleurs une attention toute particulière aux chrétiens qui s’engagent pour leurs frères et sœurs et qui veulent le faire aujourd’hui dans les « aréopages » du monde moderne (VC 96 à 99)[22].

« - Le 39ème Chapitre général rappelait à l’Institut que “l’orientation vers les pauvres est partie intégrante de la finalité de l’Institut” (Déclaration 28.2). L’association des Frères se situe là comme réponse à cette exigence. Les Frères en prennent conscience mais des Partenaires vont faire eux aussi cette découverte progressive ;

« - Le 40ème Chapitre général (1976) accorda une grande importance à ce vœu d’association par une étude sérieuse des origines. Dans le même temps les premiers membres de Signum Fidei faisaient leur consécration ;

« - Le 41ème Chapitre général (1986) s’adressa à la Famille Lasallienne marquant ainsi la reconnaissance manifestée à des milliers de personnes qui contribuent à la mission ;

« - Le 42ème Chapitre général (1993) aborda le thème de la Mission Partagée et parla de Partenaires ».

Ce vocabulaire revient assez souvent dans les documents de l’Institut, surtout dans les Lettres Pastorales du Frère Supérieur de l’an 2000 à 2007 :

-          Le visage du Frère aujourd’hui – la centralité de notre 4e vœu [d’association] (2000)

-          Être Frère en Communauté – Notre première Association (2001).

-          Associés au Dieu de la vie – Notre vie d’oraison (2002).

-          Associés au Dieu des Pauvres – Notre vie consacrés au Dieu des Pauvres – Notre vie consacrée à la lumière de notre 4e vœu (2003).

-          Associés au Dieu du Royaume et au royaume de Dieu – Ministres et serviteurs de la Parole (2004).

-          Associés pour chercher Dieu ensemble, suivre Jésus-Christ et travailler pour son Royaume (2005).

-          Associés au Dieu de l’histoire, notre itinéraire de formation (2006).

Le 44e Chapitre Général se déroulant du 30 avril au 2 juin 2007, se termine et les 111 Capitulants veulent dire à tous, Frères et collaborateurs lasalliens « toute la place que vous (collaborateurs) avez tenue et que vous tenez dans notre coeur, nos pensées et nos choix »[23]. Le Frère Supérieur Alvaro a réaffirmé « que la communauté est la première association des Frères ».  Déjà, un article intitulé « Associés pour la Mission Éducative Lasallienne » est paru dans le Bulletin de l’Institut en 2005 dans le No 250 en même temps qu’un DVD titré « Ensemble et par Association pour le service éducatif des pauvres » en vue de cette préparation du 44e Chapitre, étant « une référence constante » pour les travaux des Capitulants. Et plus qu’une référence : « le Chapitre général a accepté et adopté ce Rapport (conflué dans l’Assemblée Internationale 2006) pour l’Institut des Frères des Ecoles Chrétiennes ». C’est ainsi que les collaborateurs lassaliens « ont été constamment présents aux échanges et aux orientations que nous (les Capitulants) avons prises ».

Pour faire mieux comprendre la signification de l’Association, Frère Edwin Artegea a présenté ce schéma des « Cercles de l’Association »[24] à Rome le 25 septembre 2006. L’association, d’après lui, « peut être représentée comme un cercle, élément vital qui assure l’existence et la cohésion de Frères des Écoles Chrétiennes et de leurs associés, à tous les degrés, pour la mission que Dieu leur a confiée »[25].

Le grand cercle, d’après l’auteur, étant un milieu vital, porte le mot « asso-cia-tion » et englobe trois aspects fondamentaux, symbolisés par trois cercles : le premier cercle « exprime l’aspect spirituel de l’association » ; le deuxième représente l’association votale et fondatrice des Frères entre eux ; le troisième est l’association charismatique qui les englobe tous, Frères et collaborateurs Laïcs que l’on nomme aujourd’hui « partenaires ».

Les partenaires lasalliens augmentent d’année en année chez les Frères. Aux Philippines par exemple, en 2004, Il n’y avait que 40 Frères mais les partenaires atteignaient le nombre de 4 900. Parce que les Frères sont de plus en plus âgés et que les nouvelles vocations manquent, 97% des œuvres des Frères sont assumées par des partenaires. En réalité, les Frères ont collaboré avec des enseignants laïcs dans toutes les écoles dans le passé. Mais, autrefois tout était centré sur les Frères qui n’osaient pas confier des responsabilités importantes aux collaborateurs lesquels n’osaient pas non plus les assumer. Par contre, aujourd’hui, un nouveau concept l’a remplacé. Le centre de cette collaboration n’est plus les Frères mais la Mission. Le partage de la Mission devient ainsi essentiel, vital. Une autre question est née en même temps : droit d’héritier des propriétés, relations entre les Frères et partenaires, droit de prendre la décision.... « Certains se sentent ainsi dépossédés devant le nombre « envahissant » des Laics »[26] et trop prudents au point d’être ébranlés par la « croissante présence de nos collaborateurs » dans nos activités quotidiennes.

Une crise de vocations amène une décroissance démographique dans un grand nombre des congrégations religieuses, ainsi que chez les Frères, dans le monde et au Vietnam, et cela ne cesse de continuer dans la plupart des pays où leur nombre était très élevé, comme en France et en Espagne. Le lancement du mouvement de l’ « Association » au moment où les Noviciats des pays en Europe ferment les uns après les autres pour n’en garder qu’un seul en Espagne, n’évite pas le commentaire des gens, y compris de certains Frères, disant que c’est un acte des moribonds. Conscient que l’ « Association » est loin d’être une menace mais un don de Dieu, le 44e Chapitre Général a choisi l’ « Association pour le service des pauvres » comme un de ses thèmes principaux et de plus une commission va étudier la « Règle des Frères » pour y introduire des articles sur l’« Association ».

Au Vietnam, depuis l’an 2002, le 1er janvier, les « partenaires lasalliens » venus de toutes les provinces où existent des communautés des Frères, se réunissent à Mai Thon, maison de retraite des Frères au numéro 970 Xo Viet Nghe Tinh, District de Binh Thanh, Ho Chi Minh-ville (photo, p. 464). Habituellement, les participants font le rapport de ce qu’ils ont pu faire, en collaboration avec les Frères locaux, et dressent un projet d’action pour l’année à venir. Deux grands événements se produisent cette année 2007 dans l’Institut : le 44e Chapitre Général à Rome au mois de mai et le Chapitre du district du Vietnam au mois de février et de juillet. « Être Frère aujourd’hui » est le sujet en cours d’élaboration en vue de préparer ce 44e Chapitre Général. L’objectif du Chapitre du district ne doit pas être en marge du but du Chapitre Général. Par contre, « il doit se tenir également à la suite d’un Chapitre Général afin de promouvoir la mise en application des décisions capitulaires »[27]. Profitant de cette occasion du rassemblement de plus de 150 personnes de tout niveau d’âge, nous avons voulu cette année, les conduire à participer à l’esprit du Chapitre Général (photo, p. 460). Y était présent Frère Coldwell, venu de Rome, Secrétaire pour la Formation dans l’Institut, donnant son impression : « L'Assemblée des étudiants universitaires, les Sœurs Lasalliennes, les anciens élèves et les partenaires furent alors priés de suggérer des moyens par lesquels les Frères peuvent au mieux être Frères aujourd'hui. De petits groupes furent formés pour le partage des idées et des expériences, qui furent, ensuite, partagées avec l'Assemblée. Un des encouragements clé a été que les Frères ne font qu'un avec les gens avec lesquels ils vivent et exercent leur ministère ». La plupart des participants sont encore jeunes, c’est-à-dire connaissent vaguement les Frères et leurs activités dans le passé. Leurs réponses semblent authentiques et objectives avec un regard peu influencé par l’apparence du succès des Frères dans l’ancien temps.

Ce que les jeunes d’aujourd’hui espèrent de la part des Frères

-          Que les Frères s’engagent un peu plus dans les activités extérieures au lieu de ne s’occuper que des pensionnaires.

-          But de l’Institut des Frères : service éducatif des pauvres. Les jeunes ont besoin d’une éducation familiale pour avoir un regard plus humain de ce qui a rapport avec la famille.

-          Le Frère doit être un vrai religieux : Il doit mener une vie digne d’un religieux, de telle manière que les autres reconnaissent en lui l’image d’un religieux.

-          Le Frère doit se renoncer, être fidèle à ses vœux.

-          Avoir un esprit de foi, s’engager au service des pauvres : vivre pour et avec les jeunes.

-          Un religieux qui possède quelque chose de spirituel et non un pur enseignant.

-          Un homme crédible pour réaliser des activités, enseigner aux disciples l’acquisition d’un cœur.

-          Un psychologue pour aider et guider les jeunes.

-          Un frère vertueux, spécialisé et voisins des jeunes.

-          Un ami des élèves d’abord avant de devenir un maître.

-          Il doit posséder une large culture, en particulier des connaissances générales pour répondre aux besoins de l’éducation. Mise à niveau permanente de ses connaissances pour ne pas « manquer le train » du développement de la société.

-          Il doit posséder à fond une spécialité.

-          Les jeunes Frères doivent : être virils – s’intégrer rapidement dans le système d’éducation du gouvernement.

-          Des jeunes Frères ne sont pas encore formés à point. D’où,

·   L’absence de l’idéal lasallien jailli chez un Frère

·   Un niveau de spécialité peu élevé.

·   Confiance en soi insuffisante.

·   Esprit créatif faible

-          Les Frères responsables doivent être mûrs, adultes : plus de 30 ans

-          Ils doivent être des agents associant les anciens élèves pour élargir le partenariat pour la mission.

-          Il est souhaité que les Frères de l’ancienne génération soient plus familiers avec les jeunes et jeunes Frères pour reconnaître leurs difficultés et leurs aspirations.

-          S’intégrer avec les autorités locales, ne pas craindre d’être reconnu comme religieux. Bonne relation avec l’entourage.

-          Éduquer les autres exige la qualité.

-          Les jeunes connaissent peu les Frères. Besoin de « marketing » de l’image d’un Frère lasallien.

Quelques défis :

-          Avoir le courage de ne pas reculer devant les difficultés. Oser nager à contre-courant.

-          Aimer réellement les jeunes et non en avoir pitié.

***

d- relations complexes entre le gouvernement et le Catholicisme au Vietnam

Parmi le peuple, maintes prises de positions et regards différents concernant les relations entre le Catholicisme et le gouvernement. Des attitudes manifestées clairement sont visibles à travers des personnes du pour et du contre : dynamiques ou indifférentes, adhérentes ou hostiles.

Pour les catholiques au Vietnam, en particulier ceux qui ont tout abandonné même leur vie pour fuir les communistes du nord-Vietnam en 1954 ainsi que pour ceux qui ont vécu pacifiquement au sud et ont lutté contre les communistes pendant une vingtaine d’années pour une défaite finale en 1975, il est difficile de regarder les communistes sous un angle positif ! En regardant l’époque de crise de 1975-1985, le système a poussé l’économie du Vietnam à une situation de faillite complète. Entre temps, l’incarcération des officiers de l’ancien régime, la politique de la transformation complète de l’agriculture en coopérative, la transplantation des gens de la ville vers les « nouvelles zones économiques », la politique d’annihilation de la classe bourgeoise, le strict contrôle du livret de famille, du curriculum vitae et maintes difficultés en rapport avec la religion et les congrégations..., tout ce qui a fait perdre à des millions de personnes, surtout des catholiques, leur place dans la société. Aussi, malgré le risque d’être enfouis au fond de la mer, des milliers de boat-people ont quitté le pays clandestinement seulement en une seule année. Les problèmes rencontrés par les prêtres dans les organisations de leur paroisse, les changements limités des prêtres et des religieux, les limitations des installations des nouvelles communautés religieuses, les permissions obligatoires des retraites et des rassemblements, les contrôles d’entrée aux grands séminaires et ensuite à l’ordination, les autorisations pour sortir du pays en tant que prêtres ou religieux, les confiscations des terrains et des écoles catholiques... etc. : de tels faits impétueusement survenus incitent le peuple vietnamien catholique à réfléchir sérieusement sur les relations entre la politique et les droits de l’homme, entre le rôle du gouvernement et les intérêts du peuple et, entre le catholicisme et le système.

En particulier, le concept et l’attitude de l’évêque Paul Nguyen van Binh du diocèse de Saigon a contribué à alléger la situation bouleversante du jour du 30 avril 1975. Contrairement à l’émigration de 1954 du nord au sud du Vietnam, cette fois, les dignitaires de l’Église ont décidé de rester dans le pays avec le peuple. La plupart des Congrégations ont réagi pareillement en refusant d’organiser l’émigration. Surtout, l’attitude de l’évêque s’est manifestée clairement dans sa Lettre Pastorale en 1980 : « La Conférence des Évêques du Vietnam s’engage de vivre la religion au cœur du peuple. Les catholiques vietnamiens décident de partager leur vie avec leur Peuple parce que ce pays est le lieu où ils sont invités à vivre en fils de Dieu [...]. Ce peuple est une communauté que Dieu nous a confiée pour servir en tant que citoyens vietnamiens et membres du peuple de Dieu ». Quoi qu’il en soit, une certaine méfiance règne au plus profond du cœur de tous les deux, catholiques et communistes. La collaboration possible exige la confiance de chacun d’eux, pour l’intérêt commun.

5- Ensemble, retroussons nos manches pour agir

Un proverbe indien dit : « Pour éduquer un enfant, ensemble tout le village retrousse ses manches ». Éduquer un enfant dans une situation normale est déjà difficile, plus difficile encore dans cette situation où la morale n’est pas beaucoup appréciée. En 2006, les Frères ont célébré l’anniversaire de l’arrivée des premiers Frères français au Vietnam (1866-2006) (photo, p. 461). Dans le processus de 140 ans de présence, les Frères sont appelés et invités instamment à se rénover pour répondre aux besoins des jeunes en particulier des pauvres conformément à la situation actuelle. Cent quarante ans après, cette invitation reste toujours actuelle et manifestée à travers les Chapitres Généraux et les enseignements des Supérieurs. Le 44e Chapitre Général qui, de plus en plus conscient de la mission originale de l’Institut, a choisi comme titre « Être Frères AUJOURD’HUI » dont l’un des principaux sujets est l’Association pour le Service éducatif des pauvres. Il y a dix ans, dans une Lettre Pastorale en 1997, le Frère Supérieur John Johnston a écrit : « …en tant que Frères aujourd’hui, nous devons abandonner hier et résister à la tentation d’attendre passivement demain »[28]. L’avenir du district est entre les mains des Frères, plutôt entre celles des jeunes Frères. « L’Institut n’agit pas, NOUS agissons »[29] comme a écrit l’ancien Frère Supérieur John Johnston. « C’est nous qui agissons ou n’agissons pas : nous, les Frères, chaque Frère »[30]. Nombreux sommes-nous à souhaiter avoir une recette toute faite. Nous aimerions pouvoir parfaitement manipuler les choses et obtenir un succès garanti. Mais, il n'existe pas de recette miracle, ou « des solutions toutes faites aux questions nouvelles posées par l’évolution du monde »[31] permettant à coup sûr de vivre pleinement notre mission dans cette situation bien complexe du Vietnam. Vivre l’Aujourd’hui est un meilleur moyen d’ « empêcher une dégradation dans la qualité de notre vie consacrée, une dégradation nourrie, peut-être inconsciemment, en rêvant sans but et d’une façon futile soit au passé soit au futur »[32]. Vivant dans une société dans laquelle « croire », c’est superstitieux, c’est « aller à l’encontre de la sagesse humaine »[33]. Ainsi, les difficultés demeurent là, les défis auxquels nous devons faire face restent toujours permanents. Ce défi permanent est aussi celui de M. de La Salle, notre Fondateur, qui « nous incite à vivre le moment présent, chaque jour de notre vie, avec enthousiasme, avec fierté, avec joie... »[34] (photo, p. 462).

En me basant sur ce fil directeur, je me permets de présenter quelques propositions suivantes :

a- Formation de l’Homme du Frère

Globalement, ces observations de personnes extérieures, mentionnées plus haut, sont centrées sur la faible formation d‘un Frère tant dans le domaine professionnel que dans le domaine religieux. En réalité, comme nous le savons, le recrutement des nouvelles vocations s’est réalisé seulement à partir du début des années 90 alors que les Frères n’avaient aucune œuvre visible et stable qui puisse être acceptée par tous comme mission officielle des Frères (photo, p. 463). La formation au noviciat qui, selon la finalité de l’Institut, était de « procurer une éducation humaine et chrétienne aux jeunes, spécialement aux pauvres » [35], ne semblait pas très convaincante parce que les novices ne voyaient pas très clairement où pouvait s’exercer cette mission d’éducation alors que les écoles étaient toutes nationalisées (photo, p. 464). La formation au scolasticat pendant 5 ans, continuation de celle du noviciat, a été structurée seulement à partir de la fin des années 90 et portait l’accent sur la théologie sans le cours de pédagogie qui conditionne la réussite d’un bon maître et éducateur. Pourtant, le scolasticat s’appelle depuis longtemps « Institut de pédagogie » dans le cycle de formation d’un Frère. Après le scolasticat, les jeunes Frères sont envoyés à la mission dans les différentes communautés, sans plus attendre.

b- Quelques propositions :

Le cycle de formation d’un Frère est long : 9-12 ans. Vivant dans des maisons fermées, certains se sentent « dépaysés » quand ils sont envoyés à la mission. Sans pouvoir s’adapter à la nouvelle vie qu’ils trouvent fastidieuse en restant du matin au soir avec les pensionnaires, des problèmes surviennent. Ou s’ils seront envoyés dans une région où la visibilité n’est pas favorable, l’esprit créatif jouera son rôle. Il nécessite une longue préparation au temps de formation.

 

1-     « Formation initiale » : Le cycle de formation d’un Frère se compose de :

-         deux ans au moins pour le temps de recherche destiné à comprendre la vocation lasallienne (aspirant) et de formation solide des qualités humaines;

-         deux ans de Postulat, temps d’approfondissement et de formation humaine approfondie avant de prendre la décision d’entrer au Noviciat ;

-         deux ans de Noviciat (temps de probation) : première année, étude de la Règle et de tout ce qui concerne la vie d’un religieux lasallien; à la deuxième année, les novices se dispersent dans les différentes communautés pour une approche du terrain pendant une période de trois mois au moins avant l’émission des premiers voeux.

-         3 ans de Scolasticat, temps de préparation directe pour la Mission ;

-         3 ans de stage dans les communautés en activité avant l’émission des vœux perpétuels.

9 ans au total, en plus du temps de la formation initiale. Repenser donc le programme de formation des jeunes Frères au Scolasticat pour équilibrer la formation religieuse, théologique et celle pour la Mission, visant ainsi le développement total de l’homme en introduisant dans le programme de leurs études, des cours de sciences sociales, la pédagogie à la fois théorique et pratique considérés comme leur équipement pour leur Mission dans l’avenir.

-         1.1 Dans toutes les maisons de formation : postulat, noviciat, scolasticat, les sujets ont un certain temps de stage dans les différentes communautés pour susciter l’esprit créatif et ne reculer devant l’impasse.

-         1.2 En même temps, pour la mise en pratique, chercher à fonder une école charitable d'application pour ces jeunes Frères, dans le territoire même du Scolasticat, ce que j’ai proposé il y a une dizaine d’années.

-         1.3 Utiliser surtout les premières années d’aspirants à rectifier les concepts, comportements et savoir-vivre influencés par les jeunes dans la société et qui ne sont pas conformes à l’esprit religieux.

2- Bien « équiper » les jeunes Frères avant de les envoyer à la Mission. Que chacun d’eux possède une spécialité avec un diplôme officiel répondant aux besoins des champs de travail : professeur d’informatique, de réparation des vélomoteurs, ou d’enseignement général (mathématiques, sciences physiques, chimie, dessin, art....). Mais évitons l’ambition de vouloir apporter quelque chose de bon aux pauvres que nous fréquentons, par contre, ce sont eux qui deviennent nos vrais maîtres. L’éducation ne consiste pas à donner quelque chose, mais « plus important encore, elle invite à nous (s’)intéresser à ce que les jeunes peuvent faire plutôt qu’à ce qu’ils ne savent pas faire »[36].

3- Formation permanente (continue) : Des sessions de formation permanente pour tous niveaux sont publiées de plus en plus dans les journaux. Mais une session de formation permanente réservée pour les directeurs du personnel des grandes associations de Malaisie reste à signalée : certains des participants ont déjà enseigné cette matière, le reste a obtenu au moins la maîtrise. Cela nous dit que les gens sont conscients de la nécessité d’une formation continue. Par ailleurs, « dans la tradition lasallienne, la formation (continue) est un point-clé et une priorité qui remonte à Jean-Baptiste de La Salle »[37].

Tout métier doit perfectionner sa technique jour après jour dans un même sens ascendant de la société. On ne se soucie plus de la forme ronde ou plate du globe mais, c’est clair qu’il avance à chaque minute. Il n’y a donc plus de place pour ceux qui restent immobiles, ce qui entraîne la nécessité de la formation en permanence pour les travailleurs ainsi que pour les compagnies qui les embauchent. Refuser une formation continue signifie aussi régresser. L’aptitude est peut-être innée, mais elle se développe par la formation initiale et ensuite se perfectionne par la formation continue. Une définition de l’aptitude par le professeur Rothwell illustre bien le besoin de formation continue : « C’est regarder comment sont sa production (pour l’ouvrier), sa créativité.... ».

* Organiser chaque année une session de formation continue en pédagogie ou en théologie, en sociologie pendant deux semaines des grandes vacances.

4- Centres de formation professionnelle pour tous - riches, pauvres, handicapés : Jusqu’à présent, ouvrir des centres de formation professionnelle parait facile et est encouragé par le gouvernement. C’est une voie souhaitable pour nous insérer dans le monde de l’éducation au service des pauvres.

5- Etre visible , problème de recrutement des nouvelles vocations: Au Vietnam, les vocations ne manquent pas dans presque toutes les Congrégations de telle manière qu’elles ont limité le nombre des demandes en examinant seulement les dossiers des licenciés et il faut passer en plus par un concours. Tandis que chez les Frères, les jeunes se présentent sporadiquement pendant longtemps. Pourquoi ce phénomène ? Un prêtre ami m’a soufflé tout doucement : « il faut être vraiment modeste pour se faire Frère ». C’est le problème de prêtrise qu’il désire signaler. A part moi, je ne vois pas là une raison qui bloque ou une voie sans issue. Avant 1975, le district du Vietnam était le plus « prospère » dans l’Asie et il y avait tous les ans une quinzaine de novices en moyenne, c’est parce que les jeunes voient plus ou moins le chemin où leur engagement l’amènera plus tard. Aujourd’hui, ce côté visible est disparu. La plupart des jeumes Frères et des aspirants ne sont pas venus directement pour la première fois chez les Frères pour  chercher à comprendre la vocation lasallienne. Mais, la congrégation lasallienne est connue seulemement après la tentative ou l’échec dans d’autres congrégations, ce qui a fait suggérer cette parole humoristique ou ricanement de certaines personnes: La congrégation des Frères est considérée comme une “poubelle”. En réalité, pendant ces dernières années, les responsables désirent élever le niveau d’études des jeunes Frères en n’envoyant au noviciat que les jeunes qui ont terminé leurs études universitaires sans avoir beaucoup réussi.

6- Ouvrir des écoles d’enseignement général : L’école est toujours un « moyen privilégié » des Frères pour vivre leur vocation. En bourlinguant dans la vie pendant une trentaine d’années pour chercher une issue, je suis conscient que ce « moyen privilégié » est le plus favorable pour la vie des Frères. Avec l’école, les enfants viennent à nous pour recevoir l’éducation. Sans l’école, nous devons aller les chercher, les regrouper et souvent ce n’est pas très favorable dans le domaine politique ainsi que dans la limitation des locaux et les compétences des Frères, car cela demande un esprit très créatif pour voir les besoins, une ténacité courageuse pour pouvoir se relever après chaque chute, chaque échec. Avec l’école, les jeunes voient un peu plus clairement le chemin où ils s’engagent pour leur futur, ce qui pourrait attirer des élites.

a) Par l’intermédiaire d’un laïc : Jusqu’à présent, en tant que religieux, l’ouverture d’une école privée n’est pas encore autorisée. Cependant, une personne laïque pourrait en faire la démarche, soit en tant qu’investisseur, soit comme organisateur pour le fonctionnement de l’école (photo, p. 465). Les Frères, dans ce cas seront considérés comme ses collaborateurs ou membres du directorat. C’est le cas de l’école primaire TRUONG VINH KY, à Pleiku, sur les hauts-plateaux. Evidemment, il y a un très grand risque que les Frères âgés acceptent difficilement par crainte de malhonnêteté de la part de la personne à qui l’on a confié tous les papiers concernant l’école. Mais en tout cas, c’est un interstice qui s’est offert aux Frères pour s’insérer officiellement dans le monde de l’éducation (photo, p. 457).

b) Sans intermédiaire : Ouvrir directement une école privée sans intermédiaire parait la voie la plus appropriée pour les Frères qui, ainsi, ne seront dépendants de personne. Un premier contact de ma part pour m’enquérir discrètement des nouvelles auprès des personnes spécialisées offre un chemin prometteur. Il faudra sans doute être très attentif pour rester toujours à côté des pauvres parce que « si nous voulons atteindre un développement pour tous et pour toutes, il convient de refuser une éducation pour des privilégiés qui bénéficient des collèges technologiques, et une éducation, généralement publique, où l’innovation et la technologie sont très loin des élèves »[38].

En résumé, voici les buts à viser :

·        Oser se former et former: formation prioritaire de l’homme du Frère pour devenir une personne compétente.

·        Oser ouvrir les yeux : pour être attentifs aux besoins de la jeunesse »[39] et des pauvres.

·        Oser rêver : « Les gens qui n’ont pas de rêve n’ont pas grand chose »[40]. Il ne faut pas laisser les rêves de M. de La Salle s’exténuer au long de la vie.

·        Oser créer : Ne pas rester là à attendre un « moment propice ». « Si l’Institut n’agit pas, nous agissons, nous, chaque Frère ».

·        Oser risquer : « les grandes réalisations impliquent de prendre des risques »[41]. il n'existe pas de recette miracle, « des solutions toutes faites aux questions nouvelles posées par l’évolution du monde »[42].

·        Oser collaborer : Savoir accepter une certaine dépossession pour vivre le 4e vœu « ensemble et par association pour le service des pauvres » (photo, p. 459)

***
 


[1] Journal TUOI TRE (la Jeunesse), No 006/2006, Samedi le 7 janvier 2006

[2] Annexes, page 40, ligne 1224

[3] Revue  TRI TUE (ESPRIT), No 8-2006, page 13.

[4] WTO = World Trade Organisation : Organisation Mondiale du Commerce

[5] Voir aussi CONG GIAO va DAN TOC (Catholicisme et Peuple), No 1583, 16/11/2006, page 13.

[6] Revue TUOI TRE (La Jeunesse), No 45-06(1207), 18-11-2006, page 22

[7] F.M.I. (Fonds Monétaire International), La mondialisation faut-il s’en réjouir ou la redouter ?, 12 avril 2000

[8] Idem.

[9] TUONG LAI, rapport publié au séminaire à l’université de New York du 7 à 11 juillet 2000.

[10] PIB : Produit Intérieur Brut par habitant

[11] Voir le texte intégral, annexes, page 71.

[12] F.M.I. (Fonds Monétaire International), La mondialisation faut-il s’en réjouir ou la redouter ?, 12 avril 2000

[13] Idem.

[14] Conférence de la Région de l’Asie-Pacifique.

[15] Journal TUOI TRE (La Jeunesse), 23 novembre 2002

[16] Lettre d’une élève du Collège LE QUI DON, District 1, Hochiminh-ville.

[17] Idem.

[18] Discours du Premier Ministre PHAN CAN KHAI au 2e Congrès, paru au Journal TUOI TRE, 22 novembre 2002.

[19] Journal TUOI TRE (La Jeunesse), 11 novembre 2002

[20] Voir Annexes, page 67

[21] Actes du 43e Chapitre Général.

[22] Actes du 43e Chapitre Général

[23] Message du 44e Chapitre général à la Famille lasallienne.

[24] Réflexions Lasalliennes, No 19, novembre 2006.

[25] Idem.

[26]

[27] Règle des Frères des Écoles Chrétiennes, art. 129.

[28] John Johnston, Lettre Pastorale 1997, page 31.

[29] John Johnston, Lettre Pastorale 1994, page 15

[30] Idem.

[31] John Johnston, Lettre Pastorale 1997, page 31.

[32] Idem. P. 38

[33] Idem., p. 59.

[34] Idem., p. 86.

[35] Règle des Frères des Écoles Chrétiennes, art. 3

[36] Nicolas CAPELLE, Je veux aller dans ton école !, La pédagogie lasallienne au XXIe siècle, SALVATOR, 2006, page 119.

[37] Nicolas CAPELLE, Je veux aller dans ton école !, La pédagogie lasallienne au XXIe siècle, SALVATOR, 2006, page 35.

[38] Nicolas CAPELLE, Je veux aller dans ton école !, La pédagogie lasallienne au XXIe siècle, SALVATOR, 2006, p. 33

[39] John Johnston, Lettre Pastorale 1997, page 56.

[40] Proverbe chinois.

[41] Proverbe chinois.

[42] John Johnston, Lettre Pastorale 1997, page 31.