Chapitre 1 :

Enseignement et Éducation

Enseignement

Pour aller plus loin, nous devrions nous entendre sur la signification des termes définis par quelques grands auteurs et universellement acceptés.

Enseigner, c’est transmettre ses connaissances. Ou, selon l’explication de Durkheim : Instruire veut dire communiquer, transmettre un savoir scolaire. Mais combien de professeurs se demandent après la classe : « Moi, j’enseigne, mais eux apprennent-ils ? » : Cette question vitale est souvent oubliée par les enseignants bloqués dans leurs routines et aussi leur propre narcissisme : Philippe  Meirieu évoque cela dans plusieurs de ses ouvrages lorsqu’il aborde la question de l’identité professionnelle de cette population particulière.

Durkheim, lui, distingue éducation et instruction. Instruire veut dire communiquer, transmettre un savoir scolaire. Mais, l’enseignement ne consiste pas qu’à « proclamer », « énoncer», « dire », « verbaliser » ses propres connaissances.[1] Évidemment, il exige d’abord de l’enseignant de bien maîtriser la matière qu’il enseigne mais cela n’assure pas que ses connaissances seront assimilés et se développeront chez les élèves. Ce n’est pas sans raison que Loren Eiseley[2] a dit : « Je sais que, aux jours de timidité, ma main hésite sur la poignée de la porte avant d’entrer dans la salle de classe ». À son tour, Philippe Meirieu affirme la difficulté qu’ont rencontrée de plus en plus d’enseignants dans le monde scolaire : « Les “bons élèves” leur manifestent encore -- un respect de bon aloi, mais ils n’en pensent pas moins, de toute évidence, que “l’essentiel est ailleurs”, dans les ouvrages de vulgarisation et les magazines spécialisés… ». « Les autres “les moins bons”, ont fait savoir depuis déjà quelque temps à leurs maîtres, parfois bruyamment, parfois avec la discrétion de ceux qui ne se sentant pas à leur place s’éclipsent en s’efforçant de ne pas déranger, que les leçons et les exercices scolaires ne les concernent guère et qu’ils préfèrent “aller voir ailleurs”, au cinéma, à la campagne, ou dans la cave d’un copain qui démonte sa mobylette »[3].

L’expérience nous montre qu’enseigner « n’est pas seulement donner des cours, transmettre ses connaissances qui apparaissent dans le programme »[4]. Mais « pour que les élèves apprennent, suffirait-il de réunir quelques conditions liées au calendrier scolaire, à la quantité d’heures de cours dans une discipline et aux échelles de rémunération des maîtres ? Non que ces questions soient mineures, elles sont essentielles… mais qui oserait prétendre que, dans les hôpitaux, les changements d’heures de repas, la diminution du nombre des patients par chambre et l’allongement de la durée de séjour – toutes mesures qui peuvent être souhaitables – suffisent à guérir les malades et dispensent de tout traitement ? »[5].

Cette longue réflexion aspire  à resituer la place de  l’enseignant et sa fonction dans l’enseignement et à le convaincre de la complexité des apprentissages. Ceux qui se soucient de la réponse à la question “moi j’enseigne, mais eux apprennent-ils ?” ne doivent pas oublier l’importance de la formation continue malgré les “besognes de la vie privée”. Le monde évolue rapidement. « Les jeunes viennent à nous avec des questions personnelles, des convictions, des perplexités, des soucis, des espoirs, des craintes et des frustrations. Nous devons les rencontrer “là où ils sont”, non pas là où nous pensons qu’ils devraient être, non pas là où nous étions quand nous avions leur âge, non pas là où nos élèves des années 60, 70 et 80 se trouvaient. Nous devons les rencontrer là où ils sont aujourd’hui »[6]. « Pourrait-on donc enseigner sans réactualiser ses connaissances ? »[7] Et par ailleurs sans percevoir les transformations sociales dont lesquelles les jeunes sont inscrits : En quoi par exemple le communisme a-t-il transformé les mentalités ?

Éducation

1- Selon  certains auteurs européens

a- Pourquoi éduquer ?

Éduquer un enfant dit “normal” pour devenir un homme est déjà une tâche très délicate. Éduquer un enfant pour le rendre utile à la société est autrement difficile, plus difficile encore quand l’éducation concerne des enfants “en difficulté”.

En donnant naissance à un enfant, tous les parents espèrent qu’il réussira dans les études, qu’il s’élèvera dans la classe sociale, qu’il occupera une place, sa place dans la société, qu’il trouvera son bonheur pour lui et pour sa famille, qu’il sera utile à la société. Pourtant, la chance ne sourit pas à tout le monde. Evidemment, beaucoup ont bien réussi leur vie, mais le nombre des enfants errants, des jeunes qui abandonnent l’école en cours de route, les problèmes des fléaux sociaux, des délinquants de plus en plus jeunes, ne cessent d’augmenter d’année en année : grand souci pour les parents et pour la société, une insécurité permanente. Et pourtant ils ne sont pas nés délinquants, ni pour vivre dans la débauche.

L’homme vient au monde “à l’état brut” (Kant). Dès le début de son existence, l’enfant vit avec son entourage. Actes et paroles des personnes les plus proches et surtout de ceux qui lui plaisent sont conservés intérieurement. Ils augmentent de jour en jour et constituent sa personnalité. Autrement dit, c’est en vivant au sein de la société, en acquérant les valeurs sociales, les expériences des prédécesseurs que l’enfant devient homme. C’est aussi en transgressant les normes sociales qu’il avance : Si dans mes observations de terrain je vais insister longuement sur les normes non acquises, c’est parce que les transgressions deviennent justement la norme et que toute société reposant sur un contrat social ne peut accepter que les règles individuelles priment sur le bien collectif. Et c’est la manière d’être éduqué aux valeurs sociales qui forgera le devenir de l’enfant. De temps en temps, nous sommes informés de la situation d’enfants sauvages, comme celui étudié par le docteur Itard, qui sont égarés dans la forêt et nourris par les animaux dès leur naissance. Dans tous les cas, ces personnes mènent une vie tout à fait pareille à celle de l’animal qui les nourrit. Ils adoptent difficilement de nouveau la vie humaine malgré tous les efforts des hommes qui les ont recueillis en vue de les rééduquer.

Au moment de sa naissance, l’animal est déjà ce qu’il est : une créature parfaite dans sa catégorie, tandis que l’homme est un animal « extrêmement imparfait » (Bernard CHARLOT), qui « doit être éduqué » (Kant). Pour devenir “ce qu’il doit être”, « il doit être éduqué par ceux qui suppléent à sa faiblesse initiale, et il doit s’éduquer... » (Bernard CHARLOT). Autrement dit, entré dans le monde, l’enfant est comme un animal ni plus ni moins. Mais il croît en devenant de plus en plus homme, en vivant au milieu des êtres humains et en acquérant l’éducation de l’homme. De la même manière qu’une pierre précieuse ne peut briller de tous ses feux sans la main experte d’un joaillier, de même l’enfant a besoin d’une bonne éducation pour se développer et devenir un homme habile.

Ainsi quoique l’enfant soit “bon à l’état de nature” ou “à l’état brut”, tous les systèmes éducatifs, orientaux aussi bien qu’occidentaux, sont d’accord pour admettre que l’enfant doit être éduqué pour devenir ce qu’il doit être : un homme.

b- Et tout d’abord, que signifie “éduquer”?

Dans tout métier, l’efficacité optimale varie d’après la connaissance précise de son fonctionnement, de ses principes... Éduquer, soigner, gouverner, ce sont les trois métiers les plus difficiles (Émile Durkheim). L’éducation se renouvelle de jour en jour en fonction du développement de la société, du pays et du temps surtout dans cette époque de mondialisation. Elle pourrait devenir un facteur-clé du développement à condition de bien former de bons citoyens, des techniciens, des intellectuels, des scientifiques... assurant le processus du développement économique et social. L’éducation dans tous les âges a pris forme et s’est développée en même temps que l’évolution et le développement de la société.

Ainsi, pour pouvoir développer toutes leurs potentialités pédagogiques et résoudre les problèmes éducatifs, une des conditions de réussite pour tous ceux qui exercent le métier d’éducateur est de prendre conscience de ce qu’est l’éducation en possédant les connaissances, les compétences pédagogiques et professionnelles et de sérieuses aptitudes à l’acquisition des lois et des méthodes de l’éducation, c’est-à-dire il faut bien maîtriser des éléments des sciences de l’éducation.

Éduquer signifie « former par l’éducation », définition donnée par le dictionnaire MICRO ROBERT, qui est l’action de former, d’instruire un enfant, une personne. Éducation veut dire aussi « connaissance des usages de la société, des bonnes manières » (Larousse-Encyclopédie). L’expression “manque d’éducation” est ainsi souvent utilisée pour qualifier les comportements des gens sans politesse, sans savoir-vivre. La société antique n’a pas connu ces distinctions qui se sont peu à peu établies au cours de l’évolution. L’éducation chez les parents est unique. Autrefois, au moyen de l’éducation, l’enfant accédait progressivement aux sentiments, aux manières d’être, à la culture familiale, locale, nationale : c’est elle qui a assuré la continuité sociale entre les générations....

Les théories des philosophes du XVIIe siècle, Locke, Helvétius, et les idées nées de la Révolution ont entraîné une révision des conceptions que la société se faisait de l’éducation. C’est J.J. Rousseau qui, dans l’Émile, imagine un nouveau système d’éducation selon la nature. De l’Émile, Goethe disait : « C’est l’évangile de l’éducation ».

L’auteur des Essais avait déjà compris les problèmes que posent la formation du bon citoyen et le respect de sa liberté : « J’accuse toute violence en l’éducation d’une âme tendre qu’on dresse pour l’honneur et le respect de la liberté » (livre II, chap. VIII). La question soulevée par Rousseau dans l’Émile reste entière : c’est celle du rapport de l’individu et de la société.

Comme on le sait, le mot “éduquer” vient du latin “educare”. Selon José Davin, ce mot signifie “conduire hors de”. Toujours selon cet auteur, « au temps où Rome était champêtre, et le latin une langue de berger, le mot “educare” signifiait tout simplement : marcher en tête de son troupeau pour le mener au dehors. [...] Il s’agit pour nous de conduire “hors de” cet état d’enfance, caractérisé par l’absence de sujet capable de la parole [...] vers cet état de sujet capable de prendre la parole, d’entrer en relation avec les autres, de s’opposer, de travailler, de communiquer. »[8]

Quant à Philippe Meirieu, il affirme : « Éduquer quelqu’un c’est l’intégrer dans une société ; c’est donc lui apprendre à se soumettre aux règles que cette société lui impose pour réussir. La véritable liberté est celle de l’homme qui vit dans la Cité en se soumettant à la loi commune »[9]. Cependant, cette définition du grand poète Antonio Machado pousse à nous faire réfléchir : « L’Éducation, c’est enseigner à repenser ce que l’on pense et à désapprendre ce que l’on sait »[10].

c- Objectifs de l’éducation

Éduquer un enfant ressemble donc à l’acte de piloter un bateau. Pour arriver à un but prévu, il nous faut demeurer toujours vigilants pour ne pas dévier dès le départ, sous peine de tomber dans des situations catastrophiques.

Dans la réalité de la vie quotidienne, que nous soyons européens ou asiatiques, que nous vivions dans n’importe quelle situation de la société, c’est notre devoir de donner directement ou indirectement aux enfants l’occasion de devenir des hommes utiles. Accomplir cette tâche concerne plusieurs domaines : de l’atmosphère familiale au milieu social, des activités des enfants aux comportements des personnes qui les entourent... Tout cela reste profondément gravé dans le subconscient de l’enfant et contribue à constituer sa personnalité. Ainsi, éduquer un enfant doit assurer son développement à la fois individuel et social.

Selon Pestalozzi, l’enfant « croît, est formé, éduqué » simultanément. L’homme ne peut pas se faire pousser un pouce car « la croissance est l’affaire de Dieu » [...] « selon des lois éternelles ». L’homme « est formé par le hasard, par l’aléatoire » et par « la dépendance des circonstances changeantes » du milieu où il vit. Mais « il est éduqué par le savoir-faire et la volonté de l’homme », en un mot, par la société. La formation, l’éducation, la croissance doivent être mises en accord pour que « l’homme puisse être réellement formé et éduqué ». Dans le cas contraire, il sera mal éduqué.

Mais l’essentiel de l’éducation est d’assurer la survie de l’individu dans la société. Car « pour qu’il y ait éducation, il faut qu’il y ait en présence une  génération d’adultes et une génération de jeunes, et une action exercée par les premiers sur les seconds. »[11] . Il affirme par ailleurs que « l’éducation est chose éminemment sociale », « un phénomène social fondamental »[12] ainsi que ses fins. Pour les atteindre, même les moyens doivent avoir le même caractère. Car « des fins qu’elle poursuit ou des moyens qu’elle emploie, c’est à des nécessités sociales qu’elle répond ». Nous ne pouvons pas éduquer les enfants comme nous voulons, mais selon les « coutumes auxquelles nous sommes tenus de nous conformer » afin que, devenant adultes, ils puissent vivre en harmonie avec leurs contemporains, dans des conditions de vie normale de telle manière que si nous dérogeons trop gravement à ces coutumes, « elles se vengent sur nos enfants ». On peut ainsi comprendre que pour l’éducation socialiste l’équilibre de l’enfant passe toujours par l’acceptation de sa place dans le système et non pas la quête de son bonheur personnel. Cette différence d’approche marque très profondément les systèmes politiques se réclamant du marxisme léninisme.

Selon Bernard CHARLOT, une fois entré dans le monde, l’enfant est « soumis à l’obligation d’apprendre ». Apprendre pour se construire comprend un triple processus : devenir homme, devenir un exemplaire unique d’homme, devenir membre d’une communauté dont il partage les valeurs et où il occupe une place, sa place. Les formules célèbres de Durkheim affirment : « L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu social auquel il est particulièrement destiné »[13]. Le monde a commencé avant lui. Des générations ont vécu avant lui. Des hommes, avec qui il vit, sont nés avant lui. Il doit apprendre comment il faut vivre avec eux. C’est donc « entrer dans un ensemble de rapports et de processus qui constituent un système de sens où se dit qui je suis, qui est le monde, qui sont les autres ». « Ce système s’élabore dans le mouvement même par lequel je me construis et suis construit par les autres ; ce mouvement long, complexe, jamais complètement achevé qu’on appelle éducation ».[14]

Philippe Meirieu a signalé une question d’importance qui sera abordée plus loin : c’est la collaboration active de l’éduqué : « Éduquer quelqu’un, c’est lui apprendre à penser par lui-même et à n’effectuer que les actes qu’il aura librement décidés »[15]. Sans cette contribution de sa part, c’est l’échec fatal.

***

À la réponse de 130 sur 150 personnes qui ont répondu à mon questionnaire sur la question du concept de l’enseignement et de l’éducation, nous remarquons que dans le Vietnam contemporain, on ne distingue pas encore l’enseignement de l’éducation . L’enseignement est-il différent de l’éducation ? Cette confusion n’est pas propre au Vietnam mais son système politique actuelle contribue à renforcer ce clivage.

- différent :                        63

- pareil :                             67

Pareillement, j’ai l’occasion de parler avec une dame australienne d’origine vietnamienne en discutant sur ce sujet d’enseignement et d’éducation. Elle est psychologue et a pourtant affirmé qu’ « en Australie, quand on parle d’éducation, on comprend que c’est l’enseignement ».

Entretien avec des français d’origine vietnamienne

M. Tran quang Dang et sa femme Tuong Vy et M. Nguyen van Công sont venus me voir ce matin 5 octobre 2006. M. Dang et M. Công sont anciens élèves de l’école de Taberd (une école des Frères avant 1975) dans les années 50. M. Dang est membre de l’Association FALAISE, fondée il y a deux ans en France, ayant pour but de manifester leur gratitude envers leurs maîtres en cherchant des moyens pour prendre en charge les études de jeunes qui viennent chercher à comprendre la vocation des Frères.

Un bref reportage réalisé après 90 minutes d’échange sur plusieurs sujets concernant la vie des Frères, leur identité... ainsi que leurs besoins pour élever le niveau culturel des jeunes Frères donne un concept différent.

NVT : La différence entre enseignement et éducation ? [16]

Mme Tuong Vy (avec l’accord des 2 autres) : D’abord, je vous affirme que je ne suis pas catholique et mon mari non plus (M. Dang). Je le connais depuis très longtemps et j’ai remarqué que les élèves des Frères (exemple : mon mari et M. Công) ne sont pas comme les autres parce qu’ils ont été bien éduqués chez les Frères. Je connais beaucoup d’élèves des autres écoles françaises à Saigon telles que Chasseloup, Jean-Jacques Rousseau, Marie Curie... Dans le domaine de la culture, les élèves de Taberd ne leur sont pas radicalement inférieurs, je ne veux pas dire qu’ils sont supérieurs à ceux-là. Cependant, les tabériens ont bénéficié d’une formation que ceux-là n’ont pas eue : l’éducation. C’est pourquoi, plus tard dans la vie, nous voyons plus clairement que ceux de Taberd ont une mentalité et un comportement tout à fait différents. Tout cela pour vous dire que, selon moi, l’enseignement et l’éducation ne sont pas pareils.

Cependant, d’après le résultat de 33/140 réponses obtenues de la réponse à la question suivante, la vocation des Frères est vraiment bloquée au Vietnam.

1-      Peut-on réaliser la fonction d’éducateur sans l’enseignement dans l’école ?

- possible :                                                                        73

- impossible :                                                                     33

- certainement oui :                                                             24

Comprendre l’éducation à la lumière des 3 premières réponses à la question suivante n’est pas du tout un encouragement permettant de trouver une issue pour les Frères.

2-       Éduquer, c’est pour :

- obtenir des mentions :                                                     04

- réussir aux examens :                                                      02

- transmettre le savoir :                                                      45

- faire développer la personnalité et devenir sociable :         90

Selon l’imagination de l’enquêteur, la réponse à la question suivante devrait être « possible ». Cependant on trouve ici un grand nombre qui acquiesce OUI « enseigner est éduquer ». En réalité, il y a des personnes qui ne savent que transmettre le savoir sans faire attention à l’éducation, ce que nous allons voir dans le chapitre suivant.

3-       Enseigner est éduquer ?

- Oui :                                                                               96

- Non :                                                                              14

- possible :                                                                        22

Cependant, la majorité des réponses à la question suivante ouvre un chemin pour les Frères en recherche d’une place, leur place, dans cette société.

4-        milieux possibles pour l’éducation ?

- enseignement dans l’école :                                        01

- formation professionnelle :                                         01

- activités sociales :                                                      01

- prévention médicale :                                                   0

- tous ces milieux :                                                     110

2- Selon le concept des autorités vietnamiennes

a) Concept de l’éducation en général [17]

L’éducation est l’activité spécialisée d’une société en vue de former et de développer la personnalité d’un homme selon les exigences de la société dans une période déterminée de l’histoire. La terminologie de l’éducation est souvent comprise en deux sens : large et strict.

Sens large : L’éducation implique l’enseignement et l’apprentissage en accompagnement des autres actions pédagogiques dans les écoles et hors des classes, ainsi que dans la famille et dans la société. C’est un processus complet pour la formation de la personnalité à travers des actions et des relations entre l’éducateur et l’éduqué dans le but de se rendre maître des expériences de la société de l’homme.

Sens strict : l’éducation est comprise comme un processus d’agir sur la jeune génération dans le domaine de la morale, pensée et acte… en vue de former la conviction, l’idéal, la croyance, la motivation, le sentiment, les comportements, les habitudes et les actes conformes à la société.

Ainsi, dans l’éducation, il s'agit de l’action d’une personnalité sur une autre, de l’interaction de l’éducateur à l’éduqué. Grâce à l’éducation, l’éduqué réalise des relations sociales apprises et sa personnalité est formée et développée.


 

b) Objectifs de l’éducation dans une école socialiste du Vietnam

Après la victoire de la révolution du mois août 1945, le nouveau système éducatif fut fondé en même temps que le régime de la république démocratique. C’est celui d’un pays indépendant, « un système éducatif qui formera des enfants qui deviendront des citoyens utiles du Vietnam, un système qui fait développer complètement leurs potentialités ».[18]

Étant victorieux de la Résistance contre les Français, le Vietnam s’infléchissait vers la fondation du socialisme au nord et guerroyait pour la réunification de tout le pays. Le but de l’éducation était de jour en jour perfectionné et affirmé clairement : « La tâche éducative doit se développer sur une grande échelle en vue de former la jeune génération en des travailleurs qui seront des maîtres du pays, conscients du socialisme, cultivés, scientifiques, avec une bonne santé pour le service efficace des personnes du cadre et pour élever le niveau culturel des travailleurs manuels ».[19] En un mot, elle a pour but de former des hommes socialistes. Il est difficile aujourd’hui de se demander avec clairvoyance quelles auraient été les valeurs porteuses d’une telle conception du social par rapport à l’économie de marché. On voit aujourd’hui dans les nouveaux landers allemands des hommes et des femmes se montrer nostalgiques du passé, car ils considèrent que le capitalisme a apporté le bien-être matériel mais a fait perdre les liens de solidarités, pour ne citer qu’un seul exemple . 

En visant ce but, le système éducatif révolutionnaire du Vietnam a servi efficacement à la résistance contre les Américains et à la réunification du pays. Ensuite, ce fut l’étape de paix de la fondation du socialisme. Le développement économique et social a fait surgir des besoins nouveaux pour l’œuvre éducative. C’est pourquoi, le but de l’éducation a été modifié et manifesté dans la Proposition de la rénovation en 1979, déployée et réalisée depuis 1981-1985.

À partir de 1986 jusqu’aujourd’hui, grâce au développement, plusieurs activités éducatives conformes au renouveau du Parti (manifestées dans les Propositions des Congrès nationaux VI, VII, VIII), surtout après la Proposition du VIIe congrès central, se développèrent et progressèrent selon le renouveau et l’adaptation de l’éducation du monde entier.

Pendant le 2e congrès du Comité exécutif central, le Parti a signalé les succès et les côtés faibles de l’éducation, précisé les fonctions et les objectifs du développement éducatif jusqu’à l’an 2000.

Les fonctions et objectifs de base de l’éducation d’aujourd’hui « visent le but de former l’homme et les générations qui s’attachent à l’idéal indépendant du pays, possèdent une très tenace volonté pour construire et garder le pays : l’industrialiser ; le moderniser, protéger et développer les valeurs culturelles du peuple ; avoir les possibilités de valoriser l’élite de l’humanité ; faire valoir les potentialités du peuple et de l’homme vietnamiens ; prendre conscience de la vie commune et rendre le plus éclatant le positif de chaque individu ; maîtriser les connaissances scientifiques et les technologies modernes ; penser créativement, savoir faire, posséder des manières industrielles impeccables, un caractère organisateur et discipliné, une bonne santé ; être des héritiers de la fondation du socialisme à la fois “rouges” et “assidus” selon les recommandations de l’oncle HO » [20].

En résumé, selon cette longue présentation du 2e Congrès citée ci-dessus, le but de l’éducation vise donc en premier lieu la formation de la personnalité d’un homme socialiste. À travers l’éducation, elle se développe continuellement et se perfectionne. Ce sont de nouvelles constitutions de chacun qui se forme et se développe dans le processus de vie – relation – apprentissage – travail manuel – loisir… Grâce à des activités sociales, dès son enfance, l’homme a saisi les expériences vécues de leurs prédécesseurs. Je n’ai pas abordé ici le côté positif de l’éducation mais j’ai cherché plutôt à comprendre si cette éducation aide les jeunes à vivre en  citoyen responsable.

 

[1] Michel Saint Onge, Moi, j’enseigne, mais eux apprennent-ils, Collection AGORA, Canada, 1996, p. XIII.

[2] Loren Eiseley est un essayiste, philosophe, naturaliste littéraire, né en 1907 à Lincoln, décédé le 9 juillet 1977.

[3] Philippe Meirieu, Apprendre…oui, mais comment?, Paris, ESF Editeur, 1995, p. 15.

[4] Michel Saint Onge, Moi, j’enseigne, mais eux apprennent-ils, Collection AGORA, Canada, 1996, p. XIV

[5] Philippe Meirieu, Apprendre…oui, mais comment, ESF Editeur, 1995, p. 18

[6] Frère John Johnston, Congrès lasallien, Le Pirée, Grèce, 29 avril-1er mai 1997.

[7] Patrick Tapernoux, Transversalités, De L’ISP, Janvier-mars 2004, p.21

[8] José DAVIN/Jean-Marie PETITCLERC, Le paris éducatif, Paris, Centurion, 1991. p.7.

[9] Philippe MEIRIEU, Enseigner…oui, mais comment ?, Paris, ESF éditeur, 1995, p. 31.

[10] Nicolas CAPELLE, Je veux aller dans ton école !, la pédagogie lasallienne au XXIe siècle, SALVATOR, 2006, p. 33

[11] Emile Durkheim, Education et sociologie, PUF 2005, p.47.

[12] Raymond BOUDON, Dictionnaire de Sociologie, Larousse , 2003, p. 77.

[13] E. DURKHEIM, Education et sociologie, PUF, Paris, 190, p.51.

[14] Bernard CHARLOT, Du rapport au savoir, Paris, Anthropos, 1997, p. 60.

[15] Philippe MEIRIEU,  Apprendre…oui, mais comment ?, Paris, ESF Editeur, 1995, p. 32

[16] Annexes, ligne 628

[17] Nguyen van Le-Nguyen Sinh Duy, Généralités de l’Éducation, Ministère de l'Éducation et de Formation, 2001.

[18] Ho Chi Minh, Des questions concernant l’éducation, NXBGX, 1977.

[19] Extrait des actes du 3ème Congrès du Parti, 1960

[20] Parti communiste, Actes du 2e Congrès national, NXBCTQG, 1997