CHAPITRE II

BILAN DES VALEURS VECUES AU VIET NAM

index
1. Le sens du Sacreù
2. Le Sens de la Communauteù
3. Le Sens du Don

Dans notre premieøre partie, nous nous sommes attardeù aø montrer l’emprise sociale et le culte de l’ordre sur la vie du Vietnamien. Ce "respect" de la structure communautaire entraine des rebondissements psychologiques profonds, les uns neùgatifs, les autres plus positifs heureusement.
Ces conseùquences heureuses peuvent se grouper sous un pheùnomeøne global que nous appelons: la stabiliteù de vie.

Autour de ce poâle, les autres valeurs ne cessent de converger: le Sens du Sacreù, le Sens de la Communauteù et le Sens du Don.

1. Le sens du Sacreù

Le Sens du sacreù chez le Vietnamien peut eâtre consideùreù comme une des meilleures pierres d’attente pour une eùducation aux valeurs.
Dans l’ensemble, les Vietnamiens portent beaucoup d’inteùreât aux choses religieuses. Ils y sont porteùs d’abord par un certain mysticisme qu’on observe chez les Orientaux, et aussi par le Sens du Sacreù qui leur a eùteù inculqueù deøs leur prime jeunesse. Pour les jeunes Vietnamiens, comme pour les Extreâmes-Orientaux en geùneùral, Dieu est un eâtre transcendant qui doit eâtre respecteù et craint. Tout ce qui touche aø cet EÂtre a quelque chose de "sacreù" et meùrite par conseùquent, le respect et la veùneùration.
Il est rare de trouver en milieu scolaire des esprits increùdules ou sceptiques. Si cette jeunesse ne croit pas toujours au vrai Dieu, elle croit au moins vaguement aø un EÂtre qui gouverne le monde. Avec la notion de Dieu, les premiers eùleùments de morales sont enseigneùs treøs toât aux enfants par leurs parents. Avant l’aveønement du christianisme, cette morale vient de Confucius. Elle est concreùtiseùe en des sentences et consigneùe dans le "Tam Töï Kinh" (Livre des Trois Caracteøres).

C’est un code de morale qui se transmet de geùneùration en geùneùration.
Voici ce que G. Blois disait au sujet de la moraliteù vietnamienne: "...Notons aussi le gout inneù pour les choses morales: tout est envisageù sous cet angle, et meâme le perfectionnement de soi l’est en vue d’une vie sociale ouø chacun remplit une fonction bien deùtermineùe. L’art, la poeùsie, la musique, le sentiment de la nature, et tout ce qui fait communier les hommes avec les lois harmonieuses du monde, toutes les joies de l’aâme sont invariablement associeùes dans l’esprit des Orientaux aø leur ideùal de sage, aø leur gout pour la vie simple et pour la vie aø la campagne"

Ce peuple posseøde donc un bon fond de morale naturelle. Le christianisme y a trouveù un terrain propice pour son expansion. L’Eglise du Viet Nam grandit de jour en jour. C’est ainsi qu’en ce pays, le christianisme a conquis son droit de citeù par le nombre prodigieux de ses Martyrs, 130.000 dont 117 ont eùteù canoniseùs; par l’importance de son roâle dans la modernisation de la civilisation bimilleùnaire du Viet Nam: romanisation de l’eùcriture au XVIeø sieøcle, eùducation, oeuvres caritatives de toutes sortes, apports des ideùaux de personnalisme, de justice sociale et d’amour.

Dans la tourmente actuelle (1967), l’engagement deùcisif des chreùtiens laics (12o/o de la population) soutient leurs compatriotes dans la lutte pour le salut national afin d’assurer aø la Patrie un minimum de bien-eâtre, de liberteù et d’honneur, sans lequel un peuple ne peut mener une vie proprement humain. Par leur souci d’ouverture, ils cherchent aussi aø galvaniser l’effort de tous dans la pacification et la reconstruction nationale, effort animeù par une riche doctrine sociale, deùfinie par Vatican II et la reùcente Encyclique "Populorum Progressio". Tout cela constitue la dote splendide que l’Eglise catholique apporte au Sud-Viet Nam, aø travers une Eglise locale florissante, murie par le feu et le sang, fervente dans la prieøre, optimiste dans l’eùpreuve, dynamique dans la foi.

Cependant, tout n’est pas parfait, et beaucoup de progreøs restent aø faire, surtout dans le domaine de l’acculturation du christianisme, et par conseùquent, de l’eùducation. Il s’agit de repenser la theùologie et l’eùducation en cateùgories orientales et trouver une nouvelle formulation plus adapteùe aø notre culture nationale.

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2. Le Sens de la Communauteù

La deuxieøme conseùquence de cette stabiliteù de vie chez les Vietnamiens est le Sens de la Communauteù, manifesteùe en premier lieu par l’attachement au sol natal.
La tradition ancestrale favorise d’ailleurs cette tendance. Les lois familiales eùtaient soumises au reùgime matrimonial, l’instinct de conservation est renforceù par ce deùsir de conserver et d’accroitre les legs tant spirituels que mateùriels laisseùs par les anceâtres. Ainsi, un Vietnamien ne se deùpouille jamais des biens leùgueùs par ses parents, sauf pour des cas exceptionnels, de force majeure. L’attachement au sol explique encore la raison pour laquelle geùneùralement les Vietnamiens aiment peu les voyages, les aventures en dehors de leur pays. Ils n’aiment pas eùmigrer et le deùchirement est douloureux quand ils sont obligeùs par les circonstances, de quitter leur pays natal pour s’installer dans un autre qui n’est pas le leur.

Une autre forme de manifestation du Sens de la Communauteù chez les Vietnamiens est cet attachement aø la tradition et aux institutions eùtablies en vue de l’ordre commun. Cette tradition est surtout d’ordre familial. Les coutumes, les moeurs se transmettent fideølement de peøre en fils.
Le Culte des Anceâtres, qui est aø l’honneur au Viet Nam, facilite et favorise le souvenir et la conservation des traditions laisseùes par les parents.
Selon la pure doctrine confuceùenne, on doit honorer aø eùgaliteù les morts et les vivants. Il n’est pire malheur que de mourir sans descendance maâle, car seuls les enfants maâles ont la charge du Culte des Anceâtres. Par la suite, cette reøgle s’est adoucie, en ce sens qu’aø deùfaut de fils, les filles seront admises aø perpeùtuer le culte.

Dans les familles aiseùes, l’autel des Anceâtres est un meuble imposant, en bois sculpteù, laqueù rouge et or, orneù de chandeliers et de brule-parfums en cuivre. Il occupe geùneùralement la place d’honneur dans la plus belle pieøce de la maison.
Que l’aurtel des Anceâtres soit richement deùcoreù ou qu’il se reùduise aø une table de bois blanc, c’est toujours aø ses pieds que les membres de la famille, parents, enfants, freøres, soeurs, se retrouvent aux principaux anniversaires de la famille et aux grandes feâtes de l’anneùe.
C’est un centre de ralliement: c’est le symbole et le garant de la solidariteù familiale; autour de lui doivent s’apaiser les discordes; c’est devant cet autel, sieøge de l’assembleùe des Anceâtres que les grandes deùcisions sont prises, que les enfants se marient.
Le culte des disparus, indeùpendamment de toute conviction religieuse, exerce ainsi une influence profonde sur l’existence quotidienne du Vietnamien.

Certains esprits inquiets pourraient sans doute se demander: quelle serait l’attitude des chreùtiens en face de cette "valeur nationale" du culte des Anceâtres?
Le 20-10-1964, par l’intermeùdiaire de la Sacreù Congreùgation de la Propagation de la Foi, le Saint-Sieøge a donneù son accord aø la hieùrarchie du Viet Nam qui avait demandeù d’appliquer aux chreùtiens vietnamiens l’Instruction "Plane Compertum est" du 8-12-1969 concernant le Culte des Anceâtres et des Heùros.
D’ailleurs 5 ans auparavant, le 28-11-1959, le Pape Jean XXIII a eùcrit: " Depuis ses origines, l’Eglise Catholique, conformeùment aux normes de l’Evangile n’a jamais deùtruit ni eùteint les valeurs bonnes, honneâtes et sinceøres de chaque peuple... Au cours des sieøcles, elle a sanctifieù les coutumes et les traditions leùgitimes des peuples. Souvent, elle a emprunteù les rites de tel ou tel pays et, apreøs en avoir ameùlioreù et l’esprit et la forme, les a inteùgreùs dans sa propre Liturgie pour repreùsenter ses Mysteøres, veùneùrer ses Saints ou ses Martyrs.

Au Viet Nam, beaucoup de gestes et d’actes qui avaient autrefois un caracteøre religieux ne l’ont plus aujourd’hui, en raison des contacts avec l’exteùrieur et l’eùvolution treøs marqueùe de la mentaliteù et des coutumes. Ces gestes, attitudes, rites qui ont un caracteøre profane, de politesse et de simple relation sociale, non seulement l’Eglise ne les interdit pas, mais elle souhaite vivement qu’ils soient preùsenteùs comme gestes propres de chaque pays qui sont des manifestations de patriotisme, de pieùteù filiale ou de reconnaissance pour les Anceâtres et les Heùros. D’ores et deùjaø, nous pouvons constater que ce culte des Anceâtres qui avait eùteù l’objet des controverses depuis le 17e sieøcle, peut eâtre consideùreù comme une valeur treøs positive dans le travail d’acculturation et d’eùvangeùlisation du Viet namien.

J. Dournes a fait remarquer si justement: "C’est aø partir de leurs notions religieuses traditionnelles que les non-chreùtiens peuvent se convertir en profondeur et non autrement. Qui christianisons-nous? - Un homme qui a un sentiment religieux inneù, fortifieù par l’expeùrience, eùpaissi par la collectiviteù. Que serait un christianisme venu de l’exteùrieur, sans appui sur ce sentiment, ou pire, en le prenant aø rebours? Nous-meâmes, nous avons recu ce christianisme par ce sens religieux qui nous vient des profondeurs des origines. C’est aø partir de notre notion d’amour sublimeù que nous pouvons atteindre quelque chose de l’amour de Dieu; et nous pouvons comprendre quelque peu la Communion des Saints aø partir de cette conscience diffuse qui nous fait appreùhender l’uniteù de l’univers des esprits et leur indeùpendance telle qu’une penseùe, un geste, se reùpercute comme une onde jusqu’aø un eâtre lointain avec lequel on se sent lieù. La graâce suppose la nature; elle ne la remplace pas."

Nous avons dit de la stabiliteù que les plus vieilles traditions ancestrales sont conserveùes au sein de chaque famille. Si les bonnes coutumes sont ainsi gardeùes, c’est donc graâce aø la force de chaque cellule familiale dont l’ensemble forme le groupe ethnique vietnamien.
Des relations reùciproques s’eùtablissent entre les diffeùrentes membres de la famille. De ces relations se nouent des liens treøs forts que chacun cherche aø consolider de jour en jour. D’ailleurs, l’ensemble des pratiques du culte qui se font dans le pays teùmoignent combien le sentiment familial est vivace dans l’aâme vietnamienne. Ainsi les visites des cimetieøres, l’anniversaire des deùfunts et les offrandes rituelles aux eùpoques deùtermineùes sont soigneusement observeùes.

Un autre aspect inteùressant du Sens de la Communauteù se manifeste encore dans le langage du Vietnamien, car, ce dernier, qu’il parle ou qu’il vive, s’exprime toujours en termes de relation: Il se situe spontaneùment par rapport aux autres personnes et aux choses aø travers son expression.
Dans presque la plupart des autres langues, il y a un "Je" (moi, nous) pour exprimer la premieøre personne; un "Tu" (toi, vous) pour la deuxieøme personne; et un "Il" (elle, soi) pour la troisieøme personne, dans les dialogues ou discours directs ou indirects applicables aø tous: aø Dieu, aux deùmons, aux grands, aux petits, comme aux choses et aux beâtes, aø ceux qu’on respecte comme aø ceux qu’on meùprise, quand on prie et fait des louanges, comme quand on insulte ou bafoue...
Il n’en est pas de meâme pour les Vietnamiens: il existe autant de "pronoms personnels" propres qu’il y ait de relations ou de situations existant entre les personnes en rapport. Chaque "pronom personnel" employeù dans un cas deùtermineù doit situer chaque personne en rapport dans les relations naturelles de famille ou dans les situations sociales qu’elles ont entre elles, et exprime en meâme temps le sentiment qu’on veut teùmoigner. Si, aø un rang familial ou social donneù, il existe plusieurs pronoms personnels, c’est que cet eùventail provient des nuances de sentiments ou du degreù d’intimiteù qu’on veut teùmoigner aux autres.

Un exemple pour illustrer: Si je veux exprimer cette ideùe: "Je vous aime" en vietnamien: Le verbe "aimer" se traduit en vietnamien par le verbe "yeâu"; le "Je" (mot entre guillemets), et le Vous (mot souligneù) s’exprimeront ainsi, suivant les personnes en rapport:
- avec Dieu: "Con" yeâu Chuùa (Con: fils - Chuùa: Seigneur, Dieu)
- avec son peøre: "Con" yeâu Cha (Cha: peøre)
- avec sa meøre: "Con yeâu Meï (Meï: meøre)
- avec grand’meøre: "Chaùu" yeâu Baø (Chaùu: petit-fils - Baø: grand’meøre)
- avec sa tante: "Chaùu" yeâu Coâ (Chaùu: neveu - Coâ: pte soeur de son peøre)
- ou: "Chaùu" yeâu (Dì: petite soeur de sa meøre)
- avec son oncle: "Chaùu" yeâu Chuù (Chuù: petit-freøre de son peøre)
- ou: "Chaùu" yeâu Baùc (Baùc: grand-freøre de son peøre)
- ou: "Chaùu" yeâu Caäu (Caäu: petit/grand freøre de sa meøre)
ainsi de suite et vice versa; c’est-aø-dire que chacun des "Je" peut devenir "Vous" et chacun des "Vous" ci-dessus peut devenir "Je" dans des rapports inverses.

A noter cependant, quand il y a une relation naturelle, ou noueùe entre deux personnes, il y a aussitoât des devoirs mutuels: Cette manieøre de se nommer, en se situant l’un par rapport aø l’autre, rappelle spontaneùment ainsi les devoirs qui en deùcoulent. L’ensemble des devoirs qui se deùgagent d’une relation s’appelle "Ñaïo" (voie, manieøre de vivre qu’on doit suivre pour respecter, pour vivre cette relation), et le verbe qui exprime l’action d’accomplir ce "Ñaïo" par rapport aux personnes supeùrieures aø soi, s’appelle "Thôø":
"Moät loøng thôø Meï kính Cha
Cho troøn chöõ hieáu môùi laø ñaïo con"
(De tout coeur, je veùneøre (kính) et sers (thôø) mes parents, accomplissant ainsi tous mes devoirs de pieùteù filiale (hieáu), car telle est la Voie filiale)

C’est le meâme substantif "Ñaïo", et le meâme verbe "Thôø" qui servent pour toutes les relations, mais le contenu de ce meâme substantif et de ce meâme verbe varie bien sur avec chaque relation deùtermineùe. C’est parce qu’on a mal compris le sens exact de ces deux termes (qu’on a traduit par "religion" et "adorer") et mal interpreùteù la signification des gestes (rites) exprimant le respect ou simplement la politesse dans des relations entre personnes, qu’il y avait eu la malheureuse "querelle des rites" qui a fait tant de tort aø l’Asie!

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3. Le Sens du Don

Pour terminer, nous allons aborder le 3e groupe de valeurs vietnamiennes: le Sens du Don ou de la Gratuiteù.
D’apreøs Mgr Brien, cette ‘forme du Sens du Sacre"ù est difficile aø deùtecter: "Beaucoup de contemporains, dit-il, apparemment eùtrangers aø toute croyance religieuse deùcouvrent ainsi le Sacreù. Cela s’oppeøre en geùneùral d’une manieøre treøs simple. Ils constatent par exemple, que certains de leurs freøres humains, proches ou lointains, sont dans la deùtresse, subissent des injustices, abandonneùs ou meùpriseùs... Ils n’en restent pas aø cette constatation, mais se disent qu’ils deùpendent d’eux qu’il soit porteù remeøde aø tels maux... Deøs lors, ils se sentent appeleùs aø engager leurs forces, leurs moyens de subsistance au service de ces infortuneùs. Ils pensent que s’ils se deùrobent aø cette "taâche", ils s’aviliront, car elle est devenue pour eux une "obligation sacreùe"..."

Chez les Vietnamiens, ce Sens du Don est moins apparent mais pourtant treøs profond: il se manifeste dans la deùlicatesse, l’attention aø l’autre, l’amitieù durable et sinceøre, le souci du bien commun, la reconnaissance...
Par tempeùrament et plus encore par eùducation, les Vietnamiens sont en geùneùral deùlicats et posseødent un sens aigu de l’autre. Leur socialisation a commenceù treøs toât dans la famille. Tout d’abord, il faut noter que les familles vietnamiennes sont nombreuses, en outre, la hieùrarchisation, la politesse exigent deùjaø du jeune eâtre une certaine attention dans ses relations avec les autres membres de la communauteù familiale. Meâme dans l’acquisition de son "moi social", l’enfant vietnamien doit apprendre aø se situer treøs vite dans son milieu graâce aø ce langage de relation dont nous avons parleù dans les pages preùceùdentes.

Si l’enfant trouve deùjaø aø sa naissance un bon nombre de freøres et soeurs, cousins et cousines, son "systeøme d’appellation" s’enrichit des termes differenciant les aineùs des cadets, les freøres des cousins...
Mais il a surtout plus de chance d’entendre les grands lui dire "moi" (tao, toâi), privileøge accordeù seulement aux aineùs aø l’eùgard des cadets. Ceux-ci n’en usent que dans les cas de coleøre ou de querelles. Se deùsigner par "moi" au lieu de "grand freøre" par exemple, signifie au pauvre cadet qu’on ne l’aime plus comme tel, et qu’on lui devient indiffeùrent.
Cette eùducation relationnelle en famille fait prendre conscience peu aø peu aø l’enfant de l’existence des autres autour de lui, et par voie de conseùquence, va lui permettre de se deùcentrer.
D’ailleurs le programme scolaire dans les classes primaires contribue largement aø consolider cette socialisation deùjaø commenceùe en famille.

Parmi de multiples exemples, prenons-en un qui tombe sous nos yeux et qui deùmontre le souci constant de l’eùducation du sens social de nos jeunes Vietnamiens: Voici en quels termes s’exprime concreøtement ce souci, aø travers les "Instructions du Ministeøre de l’Education Nationale" servant de Preùface au "Livre de Textes" du Cours Moyen 1eøre anneùe: "Insister moins sur l’estheùtique du style et l’eùquilibre de la phrase, mais insister plutoât sur l’art de vivre: servir la promotion des vertus humaines, le bonheur de la famille, l’ordre social, l’indeùpendance et la liberteù".

Si nous poussons un peu plus loin l’analyse de la composition de ce livre de textes, nous serons certainement eùtonneùs de voir que la plupart des centres d’inteùreâts restent fideøles aø cette hieùrarchie des valeurs qui y est proposeùe: Le programme est sectionneù en fonction des peùriodes scolaires; c’est ainsi que tout le livre comporte 34 chapitres (1 chapitre est preùvu pour chaque semaine).

La structure interne de chaque chapitre est identique, se reùpartissant comme suit: 1 lecon de lecture, 1 reùcitattion (la plupart du temps, une courte poùesie), 1 dicteùe suivie de la grammaire, des exercices de phraseùologie, d’eùcriture, et enfin, une histoire assez longue (2 Pages) pour fixer l’attention du jeune eùcolier sur le theøme de la semaine. Essayons d’analyser sommairement le contenue du 1er Chapitre (p. 6-18) dont le centre d’inteùreât se porte sur "La ville natale".

Section I. Lecture: "Saigon"
Un texte de 18 lignes, dont les 11 premieøres deùcrivent les diffeùrentes activiteùs de la capitale; les 7 dernieøres vont mettre en relief le res pect des traditions nationales et dont la conclusion se reùsume ainsi: "Bien qu’elle soit deùjaø dans le rythme du progreøs de la civilisation moderne, Saigon continue aø garder neùanmoins les caracteùristiques de la race."

Section II. Reùcitation: "La rentreùe des classes"
Un petit poeme de 16 vers exprimant les impressions d’un jeune eùleøve de 11 ans le jour de la rentreùe des classe. Pour lui, c’est la vie!
Une vie d’intimiteù amicale et deùbordante de joie.

Section III. Orthographe: "Une petite ville"
Un texte de 9 lignes dont 4 mettent en lumieøre la simpliciteù de vie et le sentiment de solidariteù des gens de provinces.

Section IV. Exercice de Phraseùologie et d’Ecriture:
Contenu centreù sur le proverbe: "Em ngaõ thì chò phaûi naâng" (Si la cadette tombe, l’aineùe doit la relever)

Section V. Historiette: "Le deùvouement de la meøre"
L’enfant eùtait malade quelques jours avant la rentreùe, sa meøre eùtait aø son chevet.

Certes, c’est plus ou moins intentionnellement que nous avons choisi l’analyse de ce premier chapitre, car nous avons cru y voir un exemple concret du souci permanent de la socialisation de nos jeunes Vietnamiens, meâme aø travers l’enseignement dit "profane". Remarquons enpassant, que les ideùes exprimeùes dans les 5 sections de ce premier chapitre rejoignent heureusement ce que nous avons dit aø propos des groupes des valeurs veùcues par les Vietnamiens: Le Sens du Sacreù, le Sens de la Communauteù, le Sens du Don.

Une autre manifestation du sens social chez les Vietnamiens, eùpanouissement du Sens du Don, est cette philanthropie, concreùtiseùe par un esprit hospitalier geùneùralement reconnu et admireù: "A l’entreùe d’une humble paillote, le Vietnamiem garde jusque dans son extreâme deùnuement, la courtoisie et l’air de noblesse de l’homme respecteù qui a la juste conscience d’eâtre sur sa propre terre et d’en faire les honneurs aø un eùtranger. "

Un de nos compatriotes, Dr Hoà Taán Phaùt, dans son eùtude sur les traits geùneùraux de l’ethnotype vietnamien a souligneù notamment:
"... L’hospitaliteù franche, cordiale, sinceøre, est de tradition chez le groupe ethnique vietnamien. Meâme les plus pauvres se font un honneur d’aider leurs semblables dans la mesure de leurs possibiliteùs... Cette cordialiteù, deùveloppeùe par l’eùducation, peut d’ailleurs eâtre expliqueùe au point de vue caracteùrologique. (Pour l’auteur, le Vietnamien appartient au type "introverti"). L’eùmotiviteù est le caracteøre principal de cet accueil qui est spontaneù avec la primariteù, et durable avec la secondariteù."

Dans le domaine scolaire, cette "acceptation d’autrui" chez les jeunes Vietnamiens se traduit par des bonnes amittieùs ou tout au moins une franche camaraderie.
Au Viet Nam, un bon nombre d’oeuvres litteùraires chantent la fideùliteù, le deùvouement dans l’amitieù. Le poøeme "Luïc Vaân Tieân" de Nguyeãn ñình Chieåu est consideùreù comme des plus beaux poemes du treùsor litteùraire du pays, car il magnifie non seulement la pieùte filiale, mais encore des bons rapports entre amis. D’ailleurs la morale de Confucius a grandement contribueù aø encourager ces relations qui se manifestent par l’assistance mutuelle, les services reùciproques. En geùneùral, ces relations durent pour la vie et sont confirmeùes par des actes heùroiques de deùvouement, de deùsinteùressement comme en font foi les histoires consigneùes dans les livres ou transmises de geùneùration en geùneùration.

Quel Vietnamien ne serait-il pas eùmu en se souvenant de cette patheùtique histoire de Löu Bình et Döông Leã, symbole d’une amitieù profonde et deùsinteùresseùe?
Notons ensuite qu’au Viet Nam, un ami est toujours le bienvenu de la famille dont il fait spontaneùment partie: pour cela aucun rendez-vous n’est neùcessaire pour rendre visite aux amis. Simpliciteù, cordialiteù, sinceùriteù semblent eâtre les caracteùristiques des relations amicales au Viet Nam.
A l’eùgard des supeùrieurs, cette amitieù se manifeste par l’attachement, la reconnaissance. Cette dernieøre qualiteù deùjaø mise aø l’honneur par une tradition plus que milleùnaire, est sanctionneùe par tout un ensemble de conseils, d’enseignements donneùs aø l’eùcole, soit au sein de la famille. En reøgle geùneùrale, les Vietnamiens restent treøs attacheùs aø leurs maitres et aø tous ceux qui leur font du bien. Sur ce point, les Missionnaires, les Educateurs qui ont oeuvreù longtemps au Viet Nam sont presque unanimes aø rendre un teùmoignage favorable. C’est aussi une des raisons qui explique la prodigieuse vitaliteù des "Associations des Anciens Eleøves" au Viet Nam.

Il nous semble superflu d’insister sur cette reconnaissance dicteùe par la pieùteù filiale. Notons en passant, un geste significatif qui pourrait eùtonner certains eùtrangers: nous voulons parler du deuil de famille comme signe de reconnaissance aø l’eùgard de la personne disparue. Au Viet Nam, les coutumes sont treøs strictes sur ce point: les enfants doivent porter ostensiblement le deuil de leurs parents pendant 27 mois, pour reconnaitre les bienfaits de ces derniers pendant les 9 mois de conception, 9 mois d’allaitement et 9 mois d’apprentissage aø la marche. Les obligations durant ces peùriodes sont treøs preùcises:
"Les enfants en deuil doivent se coucher sur la paille, les reùjouissances supprimeùes, les boissons alcooliseùes deùfendues, aucune ceùleùbration de mariage n’est autoriseùe, ni aucun rapport sexuel toleùreù durant toute la peùriode"

Nous abordons enfin le dernier aspect du Sens du Don chez le Vietnamien: le Sens du bien commun dans le respect de l’ordre et de la discipline.

Dans ses institutions comme dans les manifestations de ses activiteùs, le peuple vietnamien n’aime pas l’impreùvu. Tout doit eâtre concu et ordonneù aø l’avance. Cette organisation systeùmatique se manifeste chez les jeunes par le sens de la discipline qui est le fruit de l’eùducation et de la tradition eùtablie.

A ce sujet, l’enqueâte faite par Dr. Ho Tan Phat peut confirmer cette constation.
Dans ses investigations, aø sa question: Disciplineù (observe exactement les consignes, les directives donneùs) 76,6 o/o des jeunes vietnamiens ont reùpondu par l’affirmative. Cette large proportion n’eùtonne nullement celui qui connait le systeøme eùducatif traditionnel vietnamien. En effet, deøs leur jeune aâge, les enfants sont deùjaø initieùs au respect de l’ordre eùtabli. Toute tentative d’eùmancipation dans ce domaine est fortement reùprimandeùe. C’est pourquoi les Vietnamiens n’aiment pas trop qu’on les bouscule dans leurs habitudes; les genres de vie plutoât uniformes leur conviennent. Ils ne se lassent pas de faire souvent la meâme chose et c’est ce qui explique leur manque d’esprit d’initiative et de spontaneùiteù. L’eùducateur qui travaille dans ce milieu agira sagement s’il n’est pas trop changeant dans ses meùthodes ou ses facons de se comporter.

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