CHAPITRE I

UNE PRISE DE CONSCIENCE

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1. Importance de l’eùducation aux valeurs
2. Fondement de l’eùducation aux valeurs

Le jeune Vietnamien d’aujourd’hui est au carrefour de deux milieux de vie diffeùrents: avec ses structures rigides, le traditionnel dont les valeurs s’imposent par la force des temps et du groupe, et le moderne ouø l’on trouve un eùventail plus large de valeurs proposeùes, de progreøs et reùalisations techniques. Le jeune Vietnamien entre de ce fait dans un systeøme caracteùriseù par le pluralisme culturel. Ceci exige donc de la part des eùducateurs des meùthodes diffeùrentes de celles qui eùtaient preùconiseùes dans la socieùteù traditionnelle.

Mais, avant d’aborder le probleøme de meùthode, nous voudrions prendre conscience ensemble de l’importance d’une telle forme d’eùducation adapteùe.

1. Importance de l’eùducation aux valeurs

D’aucuns savent que l’eùducation est toujours concue d’apreøs la culture d’un peuple, culture que nous deùfinissons par "un ensemble de tentatives qui existent dans une communauteù humaine pour reùsoudre les probleømes de l’existence".

Comme nous pouvons voir, cette deùfinition appelle deùjaø une orientation nouvelle de l’eùducation dans ce Viet Nam en eùvolution.
D’autre part, plus on avance dans une culture, plus on ressent un double besoin: la recherche de l’identiteù et le besoin de participation.
L’identiteù: car tout eâtre social veut eâtre reconnu comme tel, eâtre quelqu’un pour les autres. La participation lui fait adopter une manieøre de se comporter qui eùpanouit sa propre personnaliteù. Or la manieøre de reùpondre aø ces deux besoins subit aussi un bouleversement dans notre eùpoque actuelle. La vision traditionnelle du monde du Vietnamien, telle que nous avons vu plus haut, est-elle encore en mesure de satisfaire ces deux besoins fondamentaux de l’homme moderne?

Kaufmann, dans son livre "Le gaspillage de la Liberteù" a deùfini ainsi l’objet de la Peùdagogie: "L’objet de la Peùdagogie, c’est la transmission d’un certain nombre d’eùleùments d’appreùciation. Ceux-ci doivent permettre aux eùleøves de constituer un fond personnel ou de moyens personnels d’examen et d’emprise du et sur le monde. Une peùdagogie de type "charpente-meùtallique" devrait remplacer une peùdagogie de type "mur plein". En d’autres termes, ce qu’on doit obtenir de l’eùleøve, c’est l’ajustement personnel aux conditions de la reùaliteù. Tout choix doit s’exercer dans une perspective structurelle: c’est laø le probleøme majeur, pour l’eùleøve comme pour le maitre dans l’univers post-einsteinien, la nouvelle peùdagogie doit former l’eùleøve aø saisir dans le vif les processus de relation, les "occurrences" jouant sur d’autres occurrences et qui donnent ainsi la signification finale des "choses-qui-se-produisent" et cela deùpasse les deùfinitions verbales et les diktats scolastiques varieùs de l’histoire et de la tradition"
Sans chercher aø discuter l’opportuniteù de cette opinion de Kaufmann dans le contexte du Viet Nam, nous pensons neùanmoins eâtre d’accord sur sa conception d’une nouvelle peùdagogie pour notre temps: Donner aø nos jeunes une "charpente meùtallique" autour de laquelle pourra, au cours de leur vie, s’agglomeùrer le ciment, plutoât que leur donner de suite un "mur plein", deùfinitivement construit.

D’ailleurs, aø bien suivre l’eùvolution de la mentaliteù des jeunes actuels, nous prenons certainement conscience de la neùcessiteù de cette "expeùrience" personnelle des valeurs dans la vie moderne.
Autrefois, les cultures traditionnelles eùtaient les seules aø s’imposer. Il n’y avait pas de choix, car il fallait se conformer aux groupe, aø la majoriteù.
Ensuite ces cultures eùtaient transmises par les traditions, les proverbes... et meâme les cateùchismes (Le cateùchisme n’eùtait-il pas un code preùcis et garanti par Monsieur le Cureù?).
Dans la culture pluraliste moderne, aux prises avec une socieùteù diviseùe dans ses opinions et de tendances diverses, le jeune est en face d’un probleøme de rencontre et de choix. La recherche de l’identiteù et de participation devient pour lui plus aigu, plus personnel.

Au niveau de la famille par exemple, hier le jeune Vietnamien eùtait le fruit de sa famille. Il prenait modeøle dans ses parents. La famille eùtait presque le seul milieu d’eùducation valable. D’autre part, l’institution familiale traditionnelle appelait le pouvoir, l’autoriteù. Ce qui entrainait un certain protectionisme qui n’engage pas la responsabiliteù personnelle du jeune, d’ouø l’on constate avec raison que toute socieùteù traditionnelle tend aø prolonger l’enfance.
Cependant, au cours de leur aâge scolaire, les jeunes commencent aø remettre en question leur identiteù et reùclament leur participation. Ils reùclament d’eâtre informeùs. D’ouø la neùcessiteù pour les eùducateurs de relier l’enseignement aø la vie, de trouver des "relais", c’est-aø-dire des occasions de rencontre, des chances de dialogues, des lieux d’action commune au sein des organisations cogestionneùes autant que possible par eux-meâmes.
En un mot, pour eâtre valables, les institutions modernes doivent se situer dans la mobiliteù. Comme le dit Gaston Berger, "dans un monde stable, la raison est la faculteù maitresse; il faut deùduire, preùvoir, preùciser. Dans ce monde mobile et sans cesse renouveleù, il faut constamment inventeù, et d’abord inventer sa propre vie." (G. Berger- "L’Homme moderne et son eùducation", Paris Puf 1962, p.132)

Or, plus la socieùte est mobile, plus elle est multiple et par le fait meâme, n’exige plus de "vision unitaire"ù du monde. De plus, la culture moderne est scientifique et moins rationnelle; elle ne reùsout pas le probleøme des "sens".
A qui les jeunes vont-ils donc s’adresser pour reùsoudre le probleøme de leur existence? C’est alors que nous nous apercevons que les jeunes ont besoin de s’inteùgrer dans une communauteù pour saisir la signification de leur existence.
Quelqu’un a dit quelque part: "Exister, c’est exister avec autrui".
"Ce serait au sein de l’unique creùation, dans la solidariteù avec cette creùation, c’est-aø-dire en relation avec des situations humaines concreøtes que le sujet deùcouvre les valeurs. Il y a donc relation profonde entre valeur et existence"

Des constatations ci-dessus, deùgageons deux impeùratifs essentiels pour orienter l’action des eùducateurs dans le monde actuel:
- neùcessiteù d’eùduquer les jeunes aø l’eùvaluation et au choix,
- et de les preùparer aø l’entreùe dans une communauteù volontaire.

Il est aø remarquer que les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup de possibiliteùs pour choisir (profession, eùtudes, avenir..). Cependant, le drame reùside dans le manque de criteøre de choix. Il est donc neùcessaire pour les eùducateurs de les aider aø "rencontrer" des opinions et non seulement aø recevoir des "solutions" transmises par des adultes. Babin, dans son livre "Options", p. 63 a dit au sujet de l’eùducation religieuse des jeunes: "Les jeunes vivent dans un monde en mobiliteù croissante, un monde dans lequel ils ne peuvent survivre avec une culture religieuse toute faite, une gamme de principes bien eùtablis et une maquette de conduite morale qui donne d’avance reùponse aø tous les cas."

Une autre reùaliteù aø envisager: Les jeunes n’admettent plus les criteøres d’autoriteù.
Ils veulent expeùrimenter eux-meâmes. Ce besoin nouveau des jeunes nous ameøne au coeur du probleøme: Le fondement de l’eùducation aux valeurs.

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2) Fondement de l’eùducation aux valeurs

On comprend Wells quand il affirme: "L’humaniteù est engageùe dans une course entre l’eùducation et la catastrophe". Le grand danger de notre socieùteù contemporaine, c’est cette ignorance ou la meùsestimation des valeurs.
Et c’est l’absence de formation de jugement qui est aø la base de cette carence. Pour que la valeur s’impose, il faut qu’en groupe existent la notion et l’expeùrience des valeurs. Or, que constatons-nous?

P. Gaultier, dans son livre "Adolescence" a jeteù son cri d’alarme d’une facon quelque peu pessimiste sans doute, mais non moins proche de la reùaliteù: "Le culte des valeurs se perd! Jouir, s’amuser, parait deùsormais le but de l’existence, et pour y parvenir, le seul moyen est l’argent. Aussi, constatons-nous la poursuite acharneùe de la richesse aø tout prix et la veùneùration de ceux qui la posseødent, quelque proceùdeù qu’ils aient employeù pour l’acqueùrir. Le culte du veau d’or est plus que jamais aø l’ordre du jour" (P. Gaultier - op.cit. p.326)

C’est pourquoi il n’est pas eùtonnant de voir les jeunes actuels en train d’assister aø une deùpersonnalisation progressive de l’homme dont la valeur ne reùside plus en lui-meâme, mais en ce qu’il posseøde, en ce qu’il produit.
L’eùducation aux valeurs doit donc trouver sa raison d’eâtre dans la personnalisation du jeune. "La taâche essentielle de l’eùducation est d’aider l’eâtre humain d’eùtape en eùtape aø reùaliser son "devenir" jusqu’au moment ouø celui-ci ne deùpend plus que de lui-meâme", le conduire de l’existence de la nature aø une pleine maturiteù humaine, eùpanouie dans une "solidariteù-deùpendance" d’autrui, dan la responsabiliteù et l’amour.

A travers ce processus s’affirme de plus en plus vigoureusement le principe diffeùrentiel de l’individualisation en vertu duquel, par voie d’initiation aux valeurs supeùrieures, l’individu devenu adulte acquiert enfin le sentiment de suivre la loi de sa destineùe.
En quoi consiste au juste ce style de vie, fideøle aux valeurs de pleùnitude humaine? Reùaliteù indeùfinissable en quelques phrases. D’apreøs Babin, deux lignes de forces paraissent majeures: la ligne "valeurs humaines" et la ligne "progreøs historique."
Pour l’auteur, la ligne "valeurs humaines" est le mot-cleù de notre temps, celui qui deùfinit la deùcouverte et la promotion de tout ce qui est valable en l’homme. "La valeur, dit-il, c’est l’homme. Cette attention aø l’homme va jusqu’aø l’exaltation de toutes les pleùnitudes de la personne humaine, corps et aâme. Les jeunes veulent des hommes qui aiment la vie et qui aiment la terre. Toute leur systeùmatique religieuse tourne autour de la personne humaine"
Cette conception rejoint celle de Confucius qui disait: "Pour moi, un homme doit eâtre humain. Il aime les vertus humaines. Ce noble qui a perdu le sens de l’homme, avec quoi portera-t-il son nom? Le noble n’abandonnera jamais son sens de l’homme, meâme pour le temps d’un leùger repas. Dans la deùtresse, il s’y accroche, dans les plus grands dangers, il fait fond sur lui."

Quant aø la ligne "progreøs historique" de Babin, nous pouvons la reùsumer en quelques mots: Aider les jeunes aø deùcouvrir dans la vie chreùtienne la Vie en pleùnitude, c’est-aø-dire toutes les valeurs de la vie humaine, infiniment impreùgneùes, deùpasseùes et sauveùes par la Graâce, ou autrement dit, toutes les richesses de la Reùveùlation veùcues avec toute la dimension des valeurs terrestres.
Cette attention aø l’homme va permettre aux jeunes de prendre conscience de leur existence sous leur double dimension personnelle et communautaire.
Ce faisant, ils auront compris que pour reùaliser leur vie, ils devront non seulement deùcouvrir et faire fructifier les valeurs qui sont en eux, mais aussi respecter cette eùchelle des valeurs largement reconnue et dont la transmission se fait par le truchement de la culture et de la civilisation.

Pour ce qui concerne le Viet Nam, de nouvelles formes de valeurs sont en train de conqueùrir leur droit de citeù. Aussi, assistons-nous aujourd’hui aø ce conflit des geùneùrations au sein meâme d’un pays reùputeù pourtant pour son esprit traditionnaliste convaincu.
Nous n’avons pas aø porter un jugement de valeur sur cet eùtat de chose pour la bonne raison que tout n’est pas joueù et que le terrain encore instable creùe par cette guerre interminable pourrait d’un moment aø l’autre nous mettre devant des situations des moins preùvues.

Une chose est certaine cependant, c’est qu’au fond du coeur de tout Vietnamien brule encore ce respect de l’heùritage ancestral des valeurs particulieøres aø une civilisation de quatre mille ans.

Quelles sont donc les valeurs veùcues par les Vietnamiens?
Comment ces valeurs s’imposent-elles?

A ces questions, nous reùpondrons en faisant un bilan que nous voulons objectif, des valeurs qui s’imposent aø tout Vietnamien et sur lesquelles devront s’eùbaucher les garndes lignes des perspectives d’une eùducation adapteùe.

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